Me voici de retour, pour le meilleur et pour le pire.
Une semaine s’est écoulée depuis notre marche citoyenne phénoménale du 5 mai dernier. J’ai précautionneusement évité toute surexposition inutile au rayonnement médiatique ambiant depuis mon retour dans mon bercail isarien. Et il semblerait que bien m’en a pris si j’en crois ce que j’ai pu néanmoins lire et entendre sur le sujet. 30 000! Non mais quelle risible connerie! 30 000, ça remplirait même pas la moitié de la place de la Bastille! Quel pauvre type ce Valls, quand même. Bon, on sait qu’il est de droite, mais y’a des limites à l’étroitesse d’esprit quand même, nan? Tenez, même le Figaro a été plus honnête (attention si vous suivez le lien, vous pouvez lire l’article, assez modéré, mais ne vous aventurez pas dans les commentaires … qui restent des commentaires de lecteurs lobotomisés du Figaro):
Le pari était audacieux. Il a été remporté par le Front de gauche et Jean-Luc Mélenchon. Dimanche, la gauche de la gauche est parvenue à faire descendre dans la rue des dizaines de milliers de personnes contre l’austérité et pour une VIe République. (…) l’effet de masse y était.
Bref, hier soir, de retour devant mon petit écran, j’entrepris de zapper pour atteindre Arte, à la recherche d’un quelconque reportage apte à caler mon petit creux informatif. Le problème est que je me lançai dans cette dangereuse traversée de l’univers audiovisuel (zapper de la 1 à la 7 est une aventure qui peut s’avérer dévastatrice pour l’équilibre mental) sans protection ni préparation particulières et que j’ai donc dû franchir à terrain découvert la chaîne des bobos parisiano auto-centrés Canal+. Malheureusement, à cette heure-ci, la fameuse chaîne cryptée diffuse « en clair », comme ils disent. Et je suis tombé au beau milieu d’une diatribe enflammée d’un exalté de l’expatriation. C’était dans l’émission Salut les terriens, sorte d’entre-soi mondain dans lequel le royaliste Ardisson reçoit ses congénères du XVIème pour faire des blagues à deux balles sur le dos du bas peuple. Et voici ce que j’entendis:
Ceux qui partent, ce ne sont pas les riches, ce ne sont pas les cadres, c’est tout le monde!
Y’a des gens qui s’en vont, tant mieux! Ils ne supportent pas un certain nombre de pathologies françaises, les avatars des 35 heures, le leadership des syndicats…
Il faut partir si on a des rêves, des utopies, si on a des projets ambitieux, sportifs, artistiques, quels qu’ils soient, projets qu’on ne peut pas mener en France…
Il faut partir! Il faut partir parce qu’on a qu’une vie!
Éric Brunet, qu’il s’appelle! J’en avais jamais entendu parler auparavant. Faut dire à ma décharge, qu’après investigations, j’ai découvert qu’il sévissait quotidiennement sur RMC, la radio des incultes de droite (pléonasme? ;-)), et qu’il avait publié l’année dernière une étude clairvoyante de haute tenue politique intitulée « Pourquoi Sarko va gagner » :-D. Voyez que je n’avais aucune raison d’avoir intellectuellement fréquenté cet hurluberlus. Ses mantras, on les connait. C’est la soupe habituelle des défaitistes et des aigris de tout poil: « la France est rongée par le cancer de l’égalitarisme, la France est occupée par une idéologie malsaine, bla bla bla »
Vous voyez le genre. Tout ce que j’aime.
Mais bon, j’en viens à mon sujet. Dans ses emportements diffamatoires contre tout ce que notre pays a (encore) à offrir à ces concitoyens, le voilà-ti pas qu’il lâche, en réponse à Bruno Solo, autre terrien invité de l’émission qui, visiblement très dérangé par cette baudruche décliniste, a eu le courage (en comparaison à l’indigence générale de tous les autres niais du plateau) de faire remarquer que « en productivité, je crois que les ouvriers Français sont les premiers en Europe« , le voilà-ti pas qu’il nous lâche donc (@23’45 »), cet l’ultra-libéral bateleur de RMC:
oui … oui … c’est … c’est d’une fausseté absolue … sur la productivité calculée sur une heure, c’est formidable … sur la productivité calculée sur la semaine, on est nettement moins productif … et puis alors … ce qui compte, hein … c’est la productivité sur un an … là, on se rend compte que … on est très très loin derrière … on est parmi les plus mauvais du monde.
M Éric Brunet, avant de faire de l’esbroufe, vous devriez tenter de vous renseigner. Tiens, par exemple, sur le site de statistiques de l’un des plus hauts temples du libéralisme, l’OCDE.
Sachez donc que la productivité est définie comme le rapport, en volume, entre une production et les ressources mises en œuvre pour l’obtenir. Concernant la productivité du travail, quelles sont donc les unités de mesure à notre disposition pour calculer ce ratio. Pour la production (le numérateur du ratio), pas de problème, c’est le PIB (produit intérieur brut). Mais pour mesurer la quantité de ressources « travail » mises en œuvre (pour le dénominateur), que doit-on utiliser? Le seul moyen d’avoir une mesure stable et uniforme qui soit comparable dans le temps (avec d’autres époques) et dans l’espace (avec d’autres pays), c’est l’heure de travail fournie.
C’est d’ailleurs bien l’indicateur fourni par l’OCDE. Et comme affirmé par Bruno Solo, et comme su de tous les gens qui prétendent s’intéresser au sujet, les ouvriers français sont parmi les meilleurs. 7ème au monde, derrière 3 places financières et un pays producteur de pétrole, et bien au dessus de la moyenne de l’OCDE ou de l’Union Européenne:
Mais tentons d’aller plus loin.
M Brunet, je suppose que lorsque vous inventez les concepts de « productivité calculée sur la semaine » ou de « productivité sur un an » (concepts totalement idiots puisque la quantité de travail fournie sur une semaine ou sur un an est très loin d’être une mesure identique à tous), vous avez peut-être en fait en tête (hum, je vais peut-être un peu loin là) la « production sur la semaine » ou la « production sur un an ». Sur la semaine, je n’ai rien trouvé. Je ne sais d’où vous tenez vos chiffres … vous savez bien … les chiffres que vous n’avez pas cités.
En revanche, concernant la production annuelle, et afin d’exhiber tout de même un ratio, pour nous approcher le plus possible de la notion de productivité (sinon, il suffit d’exhiber le PIB, et là, on sait que la France est toujours la 5ème ou 6ème puissance mondiale), je vous ai trouvé ceci:
Il s’agit de la richesse produite par habitant sur une année. Désolé, je n’ai pas trouvé le tableau équivalent par travailleur. Il s’agit bien du PIB par habitant, incluant donc aussi, les enfants, les retraités, et autres sans emploi. Mais je suis sûr que vous avez le tableau manquant dans votre escarcelle. Non? Bien, là, on voit que les français (travailleur ou pas) produisent dans la moyenne de l’OCDE (les pays les plus riches) et dans la moyenne de la zone Euro. Et en tous cas, si vous tenez vraiment à faire des comparaisons, des classements (il est vrai que l’on a à faire à un tenant de la compétition), il est indéniable que les Français produisent plus que les Japonnais, les Italiens, les Espagnols, les Portugais et, au point où nous en sommes, plus que 150 autres pays dans le monde. Ben oui, on est pas la 5ème puissance économique mondiale pour rien non plus!
Alors franchement, dites-nous, d’où tenez-vous que nous soyons « parmi les plus mauvais du monde« ?
Vous êtes pitoyable. La France n’a nul besoin de catastrophistes tel que vous! Mais cassez-vous donc! Faites donc comme vous évangélisez sur tous les plateaux télé, suivez donc vos propres conseils et tirez-vous! En Angleterre, en Inde, en Allemagne, aux Zétatzunis, où vous vous voulez, mais qu’on ne vous entende plus!
Et surtout, siouplait, évitez de faire comme tous ces jeunes ingrats que vous semblez tant admirer, ces Français … « qui partent » … qui suivent leur « trajectoire humaine extraordinaire » … qui « considèrent qu’ils n’ont pas d’avenir en France » … qui ne « supportent plus la suprématie des syndicats, les avatars des 35 heures, bref, les pathologies françaises«
… et qui reviennent la queue entre les jambes dès qu’ils ont un pépin de santé, dès que leur employeur les jette à la rue sans autre forme de procès, dès qu’ils ont un enfant à mettre en crèche, dès qu’ils doivent envoyer leur progéniture à l’université ou leur ascendance à l’hospice,
… bref, dès que la solidarité et l’humanité redeviennent des valeurs douces et apaisantes pour endurer les mauvais jours.
Car eux, au moins, ont l’excuse de la jeunesse, la justification de la soif d’explorer, l’alibi de l’excitation de l’aventure.
Vous, non. Alors, siouplait, tirez-vous loin et restez-y!
@obermeyer
« Fin du régime de droit divin »
t’as vu, y’en a qui semblent le regretter (cf. Ardisson) 😀
T’as raison, on lâche rien!
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Aujourd’hui c’était pour le meilleur. Bel article.
Et pan dans la tronche de tous ces déclinistes qui nous prennent pour des cons. Dans ce pays, mélangé, bigarré depuis toujours, au bord de la grande bleue mère des civilisations, certains de nos compatriotes ont trouvé la moitié des découvertes de ces derniers siècles. De plus, suite aux philosophes des lumières ils ont inventé la révolution française. Fin du régime de droit divin, balbutiements de la démocratie et de la république. C’est quand même pas mal, et il doit en rester un peu dans nos veines. Je trouverais normal ( en tous cas ça me ferait plaisir ) que le basculement démocratique en Europe commence par notre pays. La marche du 5 mai prouve que c’est possible. Les déclinistes et autres médiacrates vont continuer leur travail de sape. Les positions du FdG n’ont pas varié depuis la campagne présidentielle, et nos prévisions s’avèrent justes. Les gens commencent lentement à piger, et la forte voix de Jean Luc Mélenchon n’y est pas pour rien. L’énorme travail d’éducation citoyenne mis en place par tous les cadres du front porte ses fruits après les bilans de Sarkozy et Hollande. Si on continue de pousser comme on le fait actuellement, la chaine pourrait d’abord craquer en France…
On lâche rien, surtout pas les balais !
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