La pauvreté est inacceptable, il faut supprimer … l’ISF

Coïncidence curieuse, le même jour, hier jeudi 17 novembre 2016, était publié le rapport statistique annuel du Secours Catholique sur l’état de la pauvreté en France 2016, et se tenait, sur une quelconque chaine du CAC40, le dernier débat de la primaire de la première droite (la seconde droite tenant la sienne plus tard, et la troisième droite ne tenant pas de primaire du tout).

Vous reconnaitrez qu’il serait négligent, au moins aussi inconséquent qu’un journaliste du Monde, de ne pas établir de lien entre ces deux événements concomitants .  Car, si le premier dessine clairement le paysage de la France des pauvretés où les inégalités ne cessent de se creuser, le second, Dieu merci (en hommage au secours catholique quand même), nous dessine tout aussi clairement le contour de l’ordonnance qu’il convient de méthodiquement et religieusement (toujours l’hommage) appliquer à notre souffrante France pour abattre le fléau.

Les 7 nains de la droite primaire, j’ai nommé Jean-François Copé, François Fillon, Alain Juppé, Nathalie Kosciusko-Morizet, Bruno Le Maire, Jean-Frédéric Poisson et Nicolas Sarkozy, rivalisent en effet d’astuces tout aussi ingénieuses que novatrices (autant que l’on puisse considérer le programme de l’ignoble Thatcher d’il y a 40 ans comme novateur) pour éradiquer en un tournemain cette affliction d’un autre age pour la 6ème puissance économique mondiale.

Faut-il tout de même avoir l’esprit chafouin, voire tortueux, pour ne pas reconnaitre Poursuivre la lecture de « La pauvreté est inacceptable, il faut supprimer … l’ISF »

Minuit dans le jardin du rien et du mal

Bientôt les douze coups de minuit.

Les temps sombres sont revenus.  La nuit nous engloutit.  Comme je le disais au lendemain du premier tour des départementales, je ne vois plus rien de gauche dans notre jardin (à part quelques excités vitupérant inutilement dans le potager, comme votre serviteur).

Nous sommes au lendemain du second tour.  Le peuple s’est exprimé.  Nous nous sommes exprimés.  Clairement.  Et nous voulons d’avantage de droite !  D’avantage de rien-à-branler-après-moi-le-déluge abstentioniste, d’avantage de haine FNiste de l’étranger basané (ou barbu, mais c’est la même chose nan?), d’avantage de haine UMPiste de « l’assisté » (ou du non-entrepreneur, mais c’est la même chose nan?), d’avantage de dogme néolibéral estampillé « socialiste ».

Gageons que nous serons bientôt comblés, nous, ce peuple de désintérêt général, de vide idéologique, de rien médiatique.  Nous allons être servis, nous, ce peuple de compétition mortifère, de cancer individualiste, de sclérose identitaire. 

Dans un premier temps, et en attendant goulument l’avènement de la droite extrême, qu’elle soit sarkoziste ou mariniste, nous allons avoir droit gracieusement à un nouveau tour de vis libéral européiste.  Manuel Valls l’a annoncé fièrement, droit dans ses bottes, dès 20h dimanche soir dernier.  En même temps, reconnaissons qu’il ne prend personne en traitre puisqu’il avait prévenu avant même l’avènement de la débâcle attendue :

« ceux qui pensent que nous allons freiner ou stopper les réformes se trompent.  Quel que soit le résultat des élections, nous allons les poursuivre en ouvrant de nouveaux chantiers.  Nous n’avons pas d’autres choix pour le pays que de faire sauter les verrous et débloquer les énergies ».

On connait d’ailleurs d’ores et déjà les « nouveaux chantiers », les futures cibles de Manuel Valls, puisqu’elles nous sont imposées par Juncker et Merkel : le contrat de travail et … les assistés … oups pardon … je veux dire les chômeurs, dont il faut absolument réduire les indemnisations, façon lois Hartz.

Attendons-nous donc, en tentant de contenir notre avidité bien naturelle, à un nouvel aréopage de mesures régressives à souhait, un point d’orgue venant soutenir une œuvre austéritaire « socialiste » déjà conséquente, œuvre que ne désavoueraient pas, soyons honnêtes, et quoi qu’ils puissent en dire par ailleurs pour tenter de se différencier idéologiquement, un Sarkozy ou un Juppé.  Pour patienter nous pourrons toujours nous délecter de l’adoption définitive prochaine de la loi Macron, hourra !

Martine Bulard, dans l’édition d’avril du Monde Diplo, en fait une synthèse tout à fait magistrale, de cette loi « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » du ministre de l’économie Emmanuel Macron.  Il faut absolument aller la lire si vous le pouvez (si vous êtes abonné, ou si vous avez les moyens de vous abonner).  Elle entre moins dans les détails que beaucoup d’autres analyses, plus austères, voire rébarbatives, que j’ai pu lire.  Faut dire que nous parlons là d’un inventaire à la Prévert de 295 articles touche-à-tout, un bric-à-brac néolibéral qui a suscité l’enthousiasme de la toute puissante Angela Merkel, planificateur en chez de la misère européenne de l’autre côté du Rhin, et qui a enthousiasmé jusqu’au président de la Commission européenne, et grand organisateur de fraude fiscale à ses heures perdues, Jean-Claude Juncker.  C’est dire si cette loi devrait combler tous nos aficionados de droite dure.

Afin d’en faciliter sa compréhension (et par conséquent sa mémorisation), l’article du Diplo ne retient que quelques exemples très significatifs des mesures imposées par cette loi du « Toujours moins » en les regroupant en cinq grandes catégories :

  • les droits sociaux et syndicaux,
  • le temps de travail,
  • les privatisations,
  • les déréglementations
  • et la centralisation technocratique.

Un travail remarquable.  (Je trouve d’ailleurs que le Diplo devrait être remboursé par la sécu.  Un remède préventif indispensable pour une meilleure santé intellectuelle, contre les agressions incessantes des germes de la propagande médiatique.)

Contre toute cette merde régressive, quatre de nos syndicats (CGT, FO, Solidaires et FSU) lancent donc un appel à la grève pour le 9 avril.  Il est prévu des manifestations dans toute la France.  La manifestation parisienne est à 13h, Place d’Italie :

Malheureusement, ce ne sont pas des chefs d’État et de gouvernement de pays voyous, terroristes, va-t-en-guerre et criminels qui appellent à manifester.  Non, ce ne sont que ces insupportables syndicats.  Ces gens pas fréquentables, dont on a honte et qu’il faut dénigrer en permanence.  Ces gens qui, pourtant, même selon une étude déviante de deux économistes bolchéviques du FMI, ­Florence Jaumotte et Carolina Osorio Buitron, permettent de réduire, ou tout au moins de maintenir, l’augmentation des inégalités.  Cette étude établit en effet, pour ceux, nombreux qui en doutaient encore, « un lien indiscutable entre l’érosion du syndicalisme et l’augmentation des inégalités » :

À ma connaissance, seuls, encore une fois, le Diplo et le Figaro, (eh, je n’vais pas jusqu’à demander que le Figaro soit aussi remboursé par la sécu, mais reconnaissons-leur quand même cette honnêteté-là) ont commenté cette étude à contre-courant de l’idée largement répandue dans les pays les plus riches (et particulièrement en France et parmi mes amis), selon laquelle les syndicats de salariés seraient coupables des blocages sur le marché du travail et de l’accroissement du chômage.  Eh bien, selon le FMI, cette « hypothèse [n’est pas] pas très solide ».  Merci donc à M. Halimi pour cet (malheureusement toujours nécessaire) éloge des syndicats.

Le 9 avril, une manifestation est donc organisée à Paris :

Malheureusement, il ne s’agira pas d’aller défiler contre un prétendu ennemi barbu en pleine guerre civilisationnelle.  Non, il s’agira tout connement de manifester contre le véritable ennemi du salarié, la nouvelle loi Macron, qui permettra, par exemple (en ne reprenant qu’un seul des nombreux exemples édifiants listés par Martine Bulard) qu’un employeur voulant réduire le paiement des heures supplémentaires signe une convention avec un salarié « volontaire » pour qu’elle s’applique sans recours possible », un glissement irrémédiable « vers une justice à l’américaine où aucun code spécifique du travail n’existe au niveau national, les relations patrons-salariés relevant de la procédure civile ».

Malheureusement, il ne s’agira pas de défiler pour défendre le droit de libertaires tout justes post-pubères (à plus de cinquante ans!) à dessiner un musulman à genoux les couilles pendantes et une étoile sur l’anus ou sœur Thérésa en train de faire des pipes à la queue leu-leu (si j’ose dire).  Non, il s’agira juste, plus prosaïquement, de défendre les droits des salariés contre la trentaine de dispositions nouvelles sur le travail (art. 71 à 82 bis de la loi Macron) pérennisant le « Travailler plus pour gagner et protéger moins ».  Manifester contre par exemple l’article 102 qui permettra que le jugement d’un tribunal administratif refusant un licenciement injustifié « ne modifie pas la validité du licenciement [et] ne donne pas lieu au versement d’une indemnité à la charge de l’employeur » , c’est à dire qui permettra que le salarié injustement jeté dehors ne puisse pas être ni réintégré ni indemnisé !

Malheureusement, il ne s’agira pas d’aller défendre le droit des journalistes à militer pour lancer une guerre otanesque contre la Russie en Ukraine.  Non, plus benoitement, il s’agira juste de défendre nos bijoux de famille dont la loi Macron intensifie le bradage dans de vastes opérations qu’on n’appelle plus, quand on est moderne, « privatisations » mais « transferts au secteur privé » ou encore « opérations sur le capital des sociétés à participation publique ».  Manifester contre par exemple l’article 51 qui précise les conditions dans lesquelles la SNCF pourra investir, sans jamais faire mention d’aucun critère d’utilité ni de service au public !  L’investissement dépendra du seul ratio « endettement/marge opérationnelle », autrement dit du profit attendu.

Malheureusement, il ne s’agira pas de défendre le droit de Lagardère, Elkabbach, Dassault, Pujadas, Calvi, Bouygues, Joffrin, BHL et consorts à bâillonner la pluralité (et donc la liberté) de la presse, mais, plus communément, de défendre notre démocratie piétinée contre la dérive autoritaire.  Manifester par exemple contre l’article 85 qui autorisera le gouvernement « à prendre par ordonnance (…) les mesures relevant du domaine de la loi et modifiant le code de procédure pénale, le code rural et de la pêche maritime, le code des transports et le code du travail ».

Malheureusement, il ne s’agit que de manifester pour défendre … nos acquis sociaux et démocratiques qu’on assassine (sans barbe, ni kalachnikov, avec juste des diplômes de l’ENA et des mandats politiques).  Gageons que notre bon peuple avide de droite, ne se mobilisera pas en masse pour de telles balivernes.  Surtout un jeudi, un jour de semaine.  Faudrait se mettre en grève.  Oula, c’est pas de droite, ça, la grève.  C’est un truc de rouges !  Vade retro !

La nuit avance.

Dommage, j’avais pourtant préparé une p’tite pancarte, au cas où :

 

Macron, Valls, Hollande et les autres : droit d’inventaire

La saynète est savoureuse (quand on goute aux stratégies, plans et autres bidouilles de communication du Parti des Médias et de l’Argent, le PMA).  Elle est méprisable lorsque l’on n’y goute pas du tout, ce qui est mon cas, tu t’en seras douté, toi ami fidèle. En tous cas, le dernier enfumage du pouvoir s’étale sur les devantures de tous les journaux d’actualités du matin, écrit, radio, télé ou internet, en ce gris dimanche, douzième jour du mois d’octobre.

Notre jeune et flamboyant nouveau ministre de l’Économie, ce winner dynamique à l’américaine qui monte les marches d’escaliers deux à deux et qui ne dépaillerait certainement pas en trônant, avec un énorme cigare (Dominicain et surtout pas Cubain hein passeque la démocratie bla bla bla) entre ses dents de carnassiers, à la table du conseil d’administration de Fucktheworld Capital Inc., Emmanuel Macron, serait donc un p’tit trop à droite au goût à la fois de notre bon président et du parti qui l’a enfanté, le PS, qui-eux-par-opposition-seraient-donc-vraiment-de-gauche-zavez-compris-oui.

Que s’est-il donc passé ? Ben, en fait … rien.  Rien de nouveau en tous cas.  Notre malicieux Macron s’est prononcé, tenez-vous bien, en faveur … d’une réforme approfondie de l’assurance-chômage.  « Il ne doit pas y avoir de tabou ni de posture » a-t-il même déclaré, brrr.

Écoutez (quelques bribes de) l’orchestration impeccable qui s’en est suivie :

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La politique sens dessus dessous


Tu m’étonnes que les gens se désintéressent de plus en plus de la politique !  Ou votent de plus en plus à droite (ce qui est la même chose) !

Dernier exemple en date, le vote sur le « projet de loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites« , vote qui s’est tenu à l’Assemblée Nationale mardi dernier, le 26 novembre 2013.  J’ai mis entre guillemets car comme pour la plupart des nouvelles lois que nous pondent nos « représentants » (voyez, encore une fois) de nos jours, leur contenu (aux lois, pas aux représentants) est bien souvent aux antipodes politiques de ce que leur titre promet.  Rappelez-vous par exemple la « TVA sociale » (profondément anti-sociale) de Sarkozy ou la loi de « Sécurisation de l’emploi » (qui permet aux patrons de virer plus facilement leurs employés) de Hollande.  Ces gars-là doivent avoir des cellules entières (grouillantes de polytechniciens dirigées par des Jacques Séguéla en maillot de bain et Rolex) dédiées 24/24 à la recherche des meilleurs oxymores aptes à masquer les turpitudes de leurs maitres.

Ben là c’est pareil.  Vous pouvez traduire sans coup férir « Projet de loi garantissant la justice du système de retraites » par un plus approprié « Projet de loi instaurant une plus grande injustice dans le système de retraite ».  Car, vous l’aurez compris, il ne s’agit nullement de la loi qui raccourcit la durée de cotisations à 5 années tout en augmentant la retraite à 21 millions d’euros (cette loi-là, ironiquement passée également cette semaine ne concerne que quelques grands parasites), mais bien sûr, de la loi qui augmente encore la durée de cotisation (déjà pourtant fortement augmentée par tous les gouvernements de droite précédents) à 43 années à partir de 2035.  En clair, cela signifie que nos enfants, pour ceux qui ont l’insouciance d’en avoir, qui entreront en moyenne dans le précariat actif à l’âge de 23 ans pourront partir en retraite à taux plein à l’age de … 66 ans.  En même temps, la bonne nouvelle est qu’après 43 années de (tentatives de) cotisations, ils seront tellement lessivés, leur santé aura tellement diminué (puisque c’est ce qui se passe dans tous les pays qui ont rallongé la durée de cotisation), qu’ils n’auront probablement même plus la force de venir demander des comptes à leur ascendance qui aura laissé faire cette ineptie.

Bref, la loi scélérate était présentée en vote solennel (dernière lecture) cette semaine et, sans surprise, elle a été adoptée.

Mon sujet n’est pas là puisque ce résultat était attendu.  Non, ce qui me sidère, c’est le moment politique que nous vivons.  Regardez bien et, si quelqu’un y comprend quelque chose, qu’il parle maintenant ou qu’il se taise à jamais.

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Les bonnets rouges, nigauds et autres factieux


J’entendais ce matin l’interview d’un bonnet rouge de la première heure (je crois que c’était le maire de Carhaix) refusant que l’on amalgame les bonnets rouges qui ont sifflé Hollande hier lors de la commémoration du 11 novembre aux … bonnets rouges.

Avouez pourtant qu’il n’y a rien qui ressemble plus à un bonnet rouge qu’un autre bonnet rouge (et beaucoup de siffleurs d’hier portaient un bonnet rouge, ce fait est indiscutable).  En même temps, je veux bien concéder qu’il n’y a rien de plus simple que de se mettre un bonnet rouge sur la tête pour se faire passer pour … un bonnet rouge.  Comment donc s’y retrouver ?  Comme nos amis du NPA ou d’ATTAC, ou plus généralement, comme tous ces salariés en proie au désespoir, je vous sens désorienté, confus ;-).  Vous hésitez :-D.   Comment savoir si l’on doit, oui ou non, soutenir ce ramassis hétéroclite ?

Le vendredi 8 novembre au petit matin, à l’heure où la rosée blanchit la campagne, et le gaz carbonique noircit la ville, Jean-Luc Mélenchon proposait, à la matinale d’RTL (pourtant radio qui se dispute âprement avec RMC le titre tant convoité de plus grande radio des beaufs de droite), une manifestation le 1er décembre à Paris (Bercy) pour la révolution fiscale et contre l’augmentation de la TVA au 1er janvier.  Quelques heures plus tard, Thierry Merret, président de la FDSEA du Finistère et porte-parole des organisateurs de la manifestation des beaux nez rouge de Quimper, voulant probablement reprendre la main, appellait sur BFM-TV (chaîne TV d’infos qui se dispute âprement avec i-Télé le titre tant convoité de plus grande chaine TV d’info des bourgeois de droite) à un défilé « quelque part en Bretagne », pour la veille, le 30 novembre.

Lorsque (pour je ne sais quelle obscure raison impardonnable ;-)) on ne suit pas ces affaires-là de (très) près, les mots d’ordre des deux manifestations peuvent paraître assez similaires puisque leur cible officielle concerne une taxe.  La TVA pour l’une, l’écotaxe pour l’autre.  Concentration.  Pour Jean-Luc Mélenchon, la manif du 1er décembre a pour objectif de protester « contre la fiscalité qui favorise les actionnaires et parasite le travail de tous les salariés du pays », et plus précisément, « contre l’augmentation de la TVA qui va ponctionner tous les ménages. »  Et pour Thierry Merret, même si l’objectif de « sa manif » n’est pas aussi clairement énoncé, on peut facilement imaginer qu’il s’agit, dans la continuité de la revendication antérieure du mouvement des bonnets rouges, de demander la suppression définitive de l’écotaxe en Bretagne.

Hum.  Là encore, vous êtes troublé. Si, si, je le sens bien.  Avec qui dois-je défiler pour marquer ma volonté d’un véritable changement de cap, vous demandez-vous ?  Quelle manifestation choisir ?  Voilà la question qui vous hante !

Laissez moi vous aider à y voir plus clair ;-).

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