L’insurrection

Au tout début du XXème siècle, Jean Jaurès écrivait l’histoire socialiste de la Révolution française. Albert Soboul qui l’a éditée fin des années ’60 ecrivait en notes complémentaires les mots que voici.

L’ultime recours du peuple souverain, c’est l’insurrection.  Dans la Déclaration de 1789, la résistance à l’oppression est l’un des droits de l’homme ; dans celle de juin 1793, le droit à l’insurrection est expressément affirmé.

Les sans-culottes ne virent pas là une affirmation théorique et formelle de leur souveraineté.  Pénétrés de leurs droits, pratiquant confusément les méthodes de gouvernement direct, ils étaient naturellement portés à reprendre l’exercice de la souveraineté, lorsqu’ils estimaient les droits du souverain trahis par ses mandataires.  (…)

Les moyens pacifiques ne sont pas toujours efficaces : autant que par le rappel de ses droits, le peuple qui se lève impose sa volonté par la menace implicite de sa force et du recours à la violence.  Le 1er mai 1793, la députation des sections du faubourg Saint-Antoine, après avoir proposé à la Convention des mesures de salut public, lui adresse un véritable ultimatum.

« Si vous ne les acceptez pas, nous vous déclarons, nous qui voulons sauver la chose publique, que nous sommes en état d’insurrection : dix mille hommes sont à la porte de la salle. »

L’insurrection armée constitue en effet la manifestation extrême de la souveraineté populaire. (…) La fermeture des barrières, la générale, le tocsin, le canon d’alarme, surexcitaient les nerfs, tendaient les esprits, contribuant à l’exaltation populaire.  Et aussi le sentiment, chez ces hommes simples et humbles, d’un acte qui les portait au-dessus d’eux-mêmes et de leur condition, et par lequel ils imprimaient leur marque à l’histoire.

Jean Jaurès
Histoire socialiste de la Révolution française
Tome cinquième, pages 844 – 846
éd. Albert Soboul de 1968-1973 en 7 volumes

jeanjaures

Et c’est tout ce que j’ai à dire …

 

Gattaz, Parisot et Reynié en soutien d’El Khomri

Impayable.

Alors que notre pétition de rejet de la loi de retour au XIXème siècle de Mme El Khomri atteint les 650 000 signataires et que s’organise la résistance dans la rue pour le 9 mars (pour commencer), voilà-t-y pas que Dominique Reynié lance une pétition (sur le même site que la précédente) pour … soutenir ladite loi du gouvernement Hollande-Valls.

Vous savez Dominique Reynié, c’est ce chantre du néolibéralisme, omniprésent dans tous les médias français.  Il possède d’ailleurs son propre rond de serviette avec monogramme en or massif incrusté à l’émission « C dans l’air » sur la 5 (entre celui de Roland Cayrol et celui de Christophe Barbier).  C’est un cumulard des think tanks et autres cercles de réflexion libéraux ; il est par exemple directeur général de la Fondation pour l’innovation politique.  Il est évidemment un soutien infaillible de l’UMP et probablement (encore pour quelques temps) un ami de M. Sarkozy.  Bref, un pur produit Sciences Po.  Tiens, j’suis pas allé vérifier si il a été nommé Young leader de la French American Foundation comme Wauquiez ou Vallaud-Belkacem.  Ce ne serait pas étonnant.   Enfin bref, c’est lui :

dominique-reynie

La pétition de Reynié POUR la loi Khomri, la voici.  On peut y lire cette motivation débordante de jalousie revancharde :

Ceux qui protestent aujourd’hui [ça, c’est moi 😉 , ndlr] ont été bien silencieux pendant les mois et les années précédents, alors que le chômage ne cessait de croître. On ne se souvient pas d’une mobilisation de leur part contre le chômage comparable à celle qu’ils mettent en œuvre aujourd’hui pour empêcher l’adoption d’une loi espérant juguler ce fléau national !

Ben merde.  J’ai oublié de manifester contre … le chômage !  C’est ballot de ma part.  Pfft.  Mais t’as vu ça où, Doumé ?  Sans dec !  Et manifester contre la méchanceté, on peut, dis, on peut ?  Pauvre petit !

Bref, après 6 heures de mise en ligne, sa pétition atteint valeureusement les 700 signatures (ouais ouais, c’est bien ça j’ai pas oublié de zéros).  Sept cents signatures.  Bon, ne tirons pas sur un corbillard.  Ce qui est extraordinaire, c’est que 700 gus aient tout de même pris la peine de signer ce torchon.  En même temps, qui trouve-t-on dans les 700 malfaisants ?  Pierre Gattaz et Laurence Parisot, entre autre !

Pierre Gattaz, Laurence Parisot, Dominique Reyié (et tous les autres petits droitiers à Papa, j’entendais par exemple ce matin la nouvelle coqueluche des médias, Bruno Lemaire qui va voter en faveur du texte) en soutien d’un projet de loi issu d’un gouvernement qui se croit de gauche !  En fait, je pense qu’on va  bientôt assister à une grande première dans la 5ème république, puisqu’il y a en effet de fortes probabilités que ce projet de loi soit adopté à l’Assemblée nationale (si jamais il va jusque là) grâce au vote de l’intégralité des députés de … l’opposition.  Chapeau.  Du grand art socialiste.

Et puis après, on lit les commentaires au bas de sa pitoyable pétition, et le sourire nous revient.  Florilège :

  • Je pense qu’il est important de lutter contre le chômage et la misère en établissant plus de misère et de chômage.
  • Je signe parce qu’il est urgent de revenir au XIXe siècle. Il est évident que cette loi ne va pas assez loin mais l’effort du gouvernement Valls pour faire progresser les droits des patrons opprimés est louable. PDG de tous les pays, unissez-vous !
  • Y’en a marre des planqués, des chômeurs qui ont trop de privilèges !!!
    Qu’on revient au bon vieux temps des serfs, pour qu’enfin les patrons puissent jouir des bienfaits de la société capitaliste, parce que, ne l’oublions pas, la vie d’un entrepreneur est plus compliquée que celle d’un ouvrier..
  • C’est un pas – certes insuffisant mais – essentiel en direction du rétablissement du servage. Il est temps de faire comprendre à ces fainéants d’assistés de salariés qui est le Boss. Oui à la création de richesse par le patronat, non à la redistribution. Et vive l’esclavage !
  • etc

Allez, on se retrouve dans la rue le 9.

Minuit dans le jardin du rien et du mal

Bientôt les douze coups de minuit.

Les temps sombres sont revenus.  La nuit nous engloutit.  Comme je le disais au lendemain du premier tour des départementales, je ne vois plus rien de gauche dans notre jardin (à part quelques excités vitupérant inutilement dans le potager, comme votre serviteur).

Nous sommes au lendemain du second tour.  Le peuple s’est exprimé.  Nous nous sommes exprimés.  Clairement.  Et nous voulons d’avantage de droite !  D’avantage de rien-à-branler-après-moi-le-déluge abstentioniste, d’avantage de haine FNiste de l’étranger basané (ou barbu, mais c’est la même chose nan?), d’avantage de haine UMPiste de « l’assisté » (ou du non-entrepreneur, mais c’est la même chose nan?), d’avantage de dogme néolibéral estampillé « socialiste ».

Gageons que nous serons bientôt comblés, nous, ce peuple de désintérêt général, de vide idéologique, de rien médiatique.  Nous allons être servis, nous, ce peuple de compétition mortifère, de cancer individualiste, de sclérose identitaire. 

Dans un premier temps, et en attendant goulument l’avènement de la droite extrême, qu’elle soit sarkoziste ou mariniste, nous allons avoir droit gracieusement à un nouveau tour de vis libéral européiste.  Manuel Valls l’a annoncé fièrement, droit dans ses bottes, dès 20h dimanche soir dernier.  En même temps, reconnaissons qu’il ne prend personne en traitre puisqu’il avait prévenu avant même l’avènement de la débâcle attendue :

« ceux qui pensent que nous allons freiner ou stopper les réformes se trompent.  Quel que soit le résultat des élections, nous allons les poursuivre en ouvrant de nouveaux chantiers.  Nous n’avons pas d’autres choix pour le pays que de faire sauter les verrous et débloquer les énergies ».

On connait d’ailleurs d’ores et déjà les « nouveaux chantiers », les futures cibles de Manuel Valls, puisqu’elles nous sont imposées par Juncker et Merkel : le contrat de travail et … les assistés … oups pardon … je veux dire les chômeurs, dont il faut absolument réduire les indemnisations, façon lois Hartz.

Attendons-nous donc, en tentant de contenir notre avidité bien naturelle, à un nouvel aréopage de mesures régressives à souhait, un point d’orgue venant soutenir une œuvre austéritaire « socialiste » déjà conséquente, œuvre que ne désavoueraient pas, soyons honnêtes, et quoi qu’ils puissent en dire par ailleurs pour tenter de se différencier idéologiquement, un Sarkozy ou un Juppé.  Pour patienter nous pourrons toujours nous délecter de l’adoption définitive prochaine de la loi Macron, hourra !

Martine Bulard, dans l’édition d’avril du Monde Diplo, en fait une synthèse tout à fait magistrale, de cette loi « pour la croissance, l’activité et l’égalité des chances économiques » du ministre de l’économie Emmanuel Macron.  Il faut absolument aller la lire si vous le pouvez (si vous êtes abonné, ou si vous avez les moyens de vous abonner).  Elle entre moins dans les détails que beaucoup d’autres analyses, plus austères, voire rébarbatives, que j’ai pu lire.  Faut dire que nous parlons là d’un inventaire à la Prévert de 295 articles touche-à-tout, un bric-à-brac néolibéral qui a suscité l’enthousiasme de la toute puissante Angela Merkel, planificateur en chez de la misère européenne de l’autre côté du Rhin, et qui a enthousiasmé jusqu’au président de la Commission européenne, et grand organisateur de fraude fiscale à ses heures perdues, Jean-Claude Juncker.  C’est dire si cette loi devrait combler tous nos aficionados de droite dure.

Afin d’en faciliter sa compréhension (et par conséquent sa mémorisation), l’article du Diplo ne retient que quelques exemples très significatifs des mesures imposées par cette loi du « Toujours moins » en les regroupant en cinq grandes catégories :

  • les droits sociaux et syndicaux,
  • le temps de travail,
  • les privatisations,
  • les déréglementations
  • et la centralisation technocratique.

Un travail remarquable.  (Je trouve d’ailleurs que le Diplo devrait être remboursé par la sécu.  Un remède préventif indispensable pour une meilleure santé intellectuelle, contre les agressions incessantes des germes de la propagande médiatique.)

Contre toute cette merde régressive, quatre de nos syndicats (CGT, FO, Solidaires et FSU) lancent donc un appel à la grève pour le 9 avril.  Il est prévu des manifestations dans toute la France.  La manifestation parisienne est à 13h, Place d’Italie :

Malheureusement, ce ne sont pas des chefs d’État et de gouvernement de pays voyous, terroristes, va-t-en-guerre et criminels qui appellent à manifester.  Non, ce ne sont que ces insupportables syndicats.  Ces gens pas fréquentables, dont on a honte et qu’il faut dénigrer en permanence.  Ces gens qui, pourtant, même selon une étude déviante de deux économistes bolchéviques du FMI, ­Florence Jaumotte et Carolina Osorio Buitron, permettent de réduire, ou tout au moins de maintenir, l’augmentation des inégalités.  Cette étude établit en effet, pour ceux, nombreux qui en doutaient encore, « un lien indiscutable entre l’érosion du syndicalisme et l’augmentation des inégalités » :

À ma connaissance, seuls, encore une fois, le Diplo et le Figaro, (eh, je n’vais pas jusqu’à demander que le Figaro soit aussi remboursé par la sécu, mais reconnaissons-leur quand même cette honnêteté-là) ont commenté cette étude à contre-courant de l’idée largement répandue dans les pays les plus riches (et particulièrement en France et parmi mes amis), selon laquelle les syndicats de salariés seraient coupables des blocages sur le marché du travail et de l’accroissement du chômage.  Eh bien, selon le FMI, cette « hypothèse [n’est pas] pas très solide ».  Merci donc à M. Halimi pour cet (malheureusement toujours nécessaire) éloge des syndicats.

Le 9 avril, une manifestation est donc organisée à Paris :

Malheureusement, il ne s’agira pas d’aller défiler contre un prétendu ennemi barbu en pleine guerre civilisationnelle.  Non, il s’agira tout connement de manifester contre le véritable ennemi du salarié, la nouvelle loi Macron, qui permettra, par exemple (en ne reprenant qu’un seul des nombreux exemples édifiants listés par Martine Bulard) qu’un employeur voulant réduire le paiement des heures supplémentaires signe une convention avec un salarié « volontaire » pour qu’elle s’applique sans recours possible », un glissement irrémédiable « vers une justice à l’américaine où aucun code spécifique du travail n’existe au niveau national, les relations patrons-salariés relevant de la procédure civile ».

Malheureusement, il ne s’agira pas de défiler pour défendre le droit de libertaires tout justes post-pubères (à plus de cinquante ans!) à dessiner un musulman à genoux les couilles pendantes et une étoile sur l’anus ou sœur Thérésa en train de faire des pipes à la queue leu-leu (si j’ose dire).  Non, il s’agira juste, plus prosaïquement, de défendre les droits des salariés contre la trentaine de dispositions nouvelles sur le travail (art. 71 à 82 bis de la loi Macron) pérennisant le « Travailler plus pour gagner et protéger moins ».  Manifester contre par exemple l’article 102 qui permettra que le jugement d’un tribunal administratif refusant un licenciement injustifié « ne modifie pas la validité du licenciement [et] ne donne pas lieu au versement d’une indemnité à la charge de l’employeur » , c’est à dire qui permettra que le salarié injustement jeté dehors ne puisse pas être ni réintégré ni indemnisé !

Malheureusement, il ne s’agira pas d’aller défendre le droit des journalistes à militer pour lancer une guerre otanesque contre la Russie en Ukraine.  Non, plus benoitement, il s’agira juste de défendre nos bijoux de famille dont la loi Macron intensifie le bradage dans de vastes opérations qu’on n’appelle plus, quand on est moderne, « privatisations » mais « transferts au secteur privé » ou encore « opérations sur le capital des sociétés à participation publique ».  Manifester contre par exemple l’article 51 qui précise les conditions dans lesquelles la SNCF pourra investir, sans jamais faire mention d’aucun critère d’utilité ni de service au public !  L’investissement dépendra du seul ratio « endettement/marge opérationnelle », autrement dit du profit attendu.

Malheureusement, il ne s’agira pas de défendre le droit de Lagardère, Elkabbach, Dassault, Pujadas, Calvi, Bouygues, Joffrin, BHL et consorts à bâillonner la pluralité (et donc la liberté) de la presse, mais, plus communément, de défendre notre démocratie piétinée contre la dérive autoritaire.  Manifester par exemple contre l’article 85 qui autorisera le gouvernement « à prendre par ordonnance (…) les mesures relevant du domaine de la loi et modifiant le code de procédure pénale, le code rural et de la pêche maritime, le code des transports et le code du travail ».

Malheureusement, il ne s’agit que de manifester pour défendre … nos acquis sociaux et démocratiques qu’on assassine (sans barbe, ni kalachnikov, avec juste des diplômes de l’ENA et des mandats politiques).  Gageons que notre bon peuple avide de droite, ne se mobilisera pas en masse pour de telles balivernes.  Surtout un jeudi, un jour de semaine.  Faudrait se mettre en grève.  Oula, c’est pas de droite, ça, la grève.  C’est un truc de rouges !  Vade retro !

La nuit avance.

Dommage, j’avais pourtant préparé une p’tite pancarte, au cas où :

 

Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde


Mais comment fait-il pour toujours exprimer si parfaitement et avec autant de talent ce qui se bouscule parfois (souvent? pfft, ingrats que vous êtes!) si brutalement dans ma tête?

Je parle bien sûr de mon économiste atterré favori, celui qui souffle toujours plus fort dans sa pompe à phynance, celui qui réussit à me donner, à chaque fois, l’illusion d’être moins seul à partager mon propre avis ;-), le chirurgien virtuose des mots de l’analyse économique hétérodoxe, j’ai nommé l’incorruptible de la lutte argumentée contre le néolibéralisme, Frédéric Lordon.

Voici son dernier billet.  Un seul mot, waouw.  Rien à redire.  Attention tout de même, ça reste du Lordon pur jus!  Concentration maximum requise!  Peut-être l’enchevêtrement ordonné de son style a-t-il même franchi encore un cran.  Ou peut-être n’est-ce qu’une impression liée à l’effet des ans sur mes facultés.  Quoiqu’il en soit, toujours autant d’humour dans sa narration.  Un régal.

Le fond de son affaire?  Une démonstration aussi flamboyante qu’implacable de ce que votre serviteur essaye gauchement d’accoucher depuis quelques temps, comme ici, ou bien encore , à savoir que « le socialisme de gouvernement, après avoir abandonné la classe ouvrière pour se vouer aux dites « classes moyennes », puis « moyennes-supérieures », mais, formellement, toujours « dans le salariat », a maintenant fait, un cran plus loin, le choix de l’alliance… avec le capital ».  Ça s’appelle le « socialisme de l’offre ».  Et comme l’indique Lordon, « dans le langage châtré de la science économique, « offre » veut dire le côté du capital [par rapport à l’autre côté de la lutte des classes, le côté du travail, NDLR]. »   Ce juteux oxymore a donc l’avantage de très explicitement reconnaitre le nouveau « côté » du socialisme de gouvernement.

L’article passe donc en revue tous les abandons symboliques et les retournements stratégiques du parti dit socialiste, en particulier depuis l’automne 2012, pour étayer l’impressionnante continuité des politiques économiques entre ce gouvernement et les gouvernements précédents.  Continuité qui commence bien sûr « par la reconduction telle quelle des grandes contraintes européennes — objectif insane des 3 % en pleine récession et pacte budgétaire européen (TSCG) négocié-Sarkozy ratifié-Hollande —, mais complétée par le déploiement intégral du modèle compétitivité-flexibilité, simplement rêvé par le prédécesseur, enfin réalisé par le successeur » :

Si 1983 ouvre une longue période où, par simple reddition idéologique, les politiques socialistes se trouvent dévaler la pente néolibérale, 2012 marque une rupture d’un tout autre format : celle de l’entrée dans la collaboration délibérée avec le capital.

Et de prédire:

De même que Churchill promettait aux munichois, qui espéraient avoir évité la guerre au prix du déshonneur, d’avoir et le déshonneur et la guerre, le socialisme de collaboration — vrai nom du « socialisme de l’offre » — aura l’échec en plus de la honte.  Car tout est faux de A à Z dans ce petit calcul de paniqué (ou de vendu), aussi bien les détails techniques que les considérations stratégiques.

Ici, commence la véritable démonstration.  Il est inutile de tout reprendre dans mon billet et il est de loin préférable de s’abreuver directement à la source (allez donc lire l’article, non de diou!), mais je ne peux résister à l’envie de vous citer quelques extraits choisis:

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Seuls 3 députés de l’UMP ont voté contre un texte du PS


Il paraît qu’il est encore des gens pour croire que le PS est un parti de Gauche.

Si, si, Mame Lucette, j’vous le jure!  Pour preuve, j’ l’ ai encore entendu au journal de TF1 (ou France2, ou Canal+, j’sais plus trop, mais peu importe).  « La Gauche blablabla blablabla » qu’il disait l’ gars en parlant de Hollande et sa clique.   Voyez que j’ vous raconte pas d’ conneries!

Peut-être ne savent-ils pas ce qu’est historiquement la Gauche, peut-être ne connaissent-ils du mouvement socialiste que les récentes (vis à vis de l’Histoire) émanations (pour ne pas dire sécrétions) sociales-libérales telles que Blair, Schröder ou Zapatero (pour ne citer qu’eux, une liste plus exhaustive m’étant interdite par mon hébergement qui n’est pas illimité), peut-être ont-ils été sincèrement convaincus par les décennies de propagande ininterrompue du TINA (le fameux argument There is no alternative de la Thatcher dont on fête demain le début tant attendu d’oxydation), peut-être souhaitent-ils cacher leurs profondes valeurs droitières derrière une étiquette à connotation sensiblement plus humaniste, …

Quoi qu’il en soit, voici une nouvelle pièce que je verse à leur attention au dossier d’instruction en libéralisme du Parti dit Socialiste.

Le projet de loi dit (avec toute l’ironie destructrice de la novlangue en usage dans le monde politique des bien-pensants) de « sécurisation de l’emploi » a été votée en première lecture ce 9 avril dernier à l’Assemblée Nationale.  Vous savez, c’est le projet de loi qui sécurise la possibilité de se faire virer sans tambour ni trompette ni motif économique si on n’accepte pas une augmentation de son temps de travail, une baisse de son salaire ou un déplacement de son lieu de travail.  C’est le projet de loi qui stipule qu’un contrat d’entreprise, même défavorable aux salariés, aura maintenant une valeur supérieure à la loi.  C’est le projet de loi qui marque un recul de plus de cinquante années dans notre modèle social.

Eh bien, sachez que seuls 3 députés de l’UMP ont voté contre ce texte: Nicolas Dhuicq, Henri Guaino et Jean-Marie Sermier.

Dites, l’UMP, c’est bien la droite, non?  La droite décomplexée même, comme ils disent fièrement aujourd’hui?  D’accord.  Alors, relisez ce qui précède: seuls 3 députés de l’UMP ont voté contre ce texte.  Uniquement 3 députés de droite se sont opposés à un texte de portée sociale (on parle pas ici d’un texte déclaratif sur l’amour entre les hommes de bonne volonté ou la défense des jolis petits bébés phoques oh-trop-mignons, on parle d’un texte censé porté haut comme un étendard la différence structurelle de société entre la gauche et la droite, merde!) présenté par un gouvernement dit socialiste.

Tous les autres (191 quand même!) ont laissé faire.  Et j’ parle là de bons gros UMPistes bien droitiers.  Tiens, comme Bernard Accoyer, Benoist Apparu, Patrick Balkany, Claude Goasguen, Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Luc Chatel, Christian Jacob, Éric Ciotti, Nathalie Kosciusko-Morizet, Jean-François Copé, Olivier Dassault, Bernard Debré, Patrick Devedjian, Christian Estrosi, David Douillet, Thierry Mariani, Hervé Mariton, Laurent Wauquiez ou Éric Woerth.  Ils ont tous laissé passer le texte sans ‘y opposer!  Même Copé!

Et bien entendu (pour les archives) aucun député du groupe de la droite-qui-n’ose-pas-le-dire, le groupe UDI, le groupe de Jean-Louis Borloo n’a voté contre non plus.

Maintenant, si vous voulez vraiment continuer de vous convaincre que nous avons un gouvernement de gauche, qu’est-ce que je peux faire pour vous, hein?  Franchement?  Rien.

Quand je pense que l’ultra-libéral Dominique Strauss-Kahn, le bon docteur Strauss-Kahn affameur de la Grèce, arborait avec fierté un immense portrait de Jaurès dans son bureau de la rue Solférino!  Strauss-Kahn dont les émules (pour ne pas dire, là non plus, sécrétions, qui pourrait être fort mal interprété) les plus connus sont, je le rappelle, les non moins ultra-libéraux Cahuzac et Moscovici!  Non mais quelle déchéance de l’idée socialiste!

Tiens, je ne résiste pas à l’envie de terminer sur une citation:

« Le socialisme universel affirme à l’heure actuelle que pour émanciper les travailleurs il n’y a aujourd’hui qu’une solution (…) c’est, partout (…) où il y a séparation de la propriété et du travail, de remplacer ce qu’on appelle le capital, c’est-à-dire la propriété privée des moyens de production, par la propriété sociale commune ou collectiviste des moyens de production.  Et sans faiblesse, sans hésitation, sachant bien que cette formule générale saura bien dans son unité s’adapter à la diversité des conditions économiques, nous la proclamons pour le monde paysan comme pour le monde industriel. »

Discours Jean Jaurès sur l’idée socialiste,
Séance parlementaire du 3 juillet 1897