Semestre européen millésime 2017

Mai se termine rituellement par deux évènements que tous les néolibéraux versaillais de cette Union Européenne de classe attendent impatiemment et fêtent goulûment, la commémoration de l’achèvement dans un bain de sang de la Commune de Paris, et la publication par la Commission Européenne, depuis 2011, des recommandations de sueur et de sang pour chacun des pays de l’UE.  Un contre-poids en forme de pied-de-nez revanchard au début du mois, où nous, ceux du camp du progrès, célébrons la journée de commémoration des luttes des travailleurs pour leurs droits (et non pas la fête du travail comme il est stupidement inscrit sur la fiche Wikipédia) ainsi que la date anniversaire de la naissance de Karl Marx.

Concernant la France, la sortie de ces recommandations coïncide en outre cette année avec l’orgie néolibérale, organisée par le vote des français, qui voit s’enchevêtrer en ce moment même sur tous nos médias du CAC 40, dans une bacchanale à faire rougir un Donatien Alphonse François de Sade lui-même, président de la république, ministres et députés, responsables du MEDEF et de la CFDT, médiacrates et éditorialistes, PS, verts, LR et modems, tous, se chevauchant en marche, dans des positions à l’évidence tout à fait inconfortables et que ma morale politique réprouve énergiquement.  La commission européenne, selon toute apparence, n’y est d’ailleurs pas restée totalement insensible, à en juger aux quelques taches de France suspectes parsemant le document PDF et trahissant la satisfaction exubérante de ses rapporteurs.  Quoi qu’il en soit …

Comme chaque année, j’ai donc voulu lire ces recommandations, bien plus par acquis de conscience citoyenne que par soif de frissons romanesques inattendus, vous vous en doutez.  La Commission Européenne allait-elle enfin admettre que leur catéchisme néolibéral était une malédiction ?  Juncker allait-il soudainement abdiquer sous le poids de ses turpitudes fiscales et l’effet de sa déliquescence alcoolique ?  L’UE allait-elle à la fin épouser le Peuple, vivre heureux et avoir beaucoup d’enfants ?

Et comme (presque) chaque année je tenais à en coucher un petit mot ici, comme en 2011, 2012, 2013, (pause en 2014 et 2015) et enfin 2016, dans l’unique but tout à fait irrévérencieux, dois-je admettre lucidement, de conserver un certain ordre et une certaine pertinence à mon blog personnel.  Loin de moi, rassurez-vous, l’idée présomptueuse de vouloir informer qui que ce soit.  Je suis bien conscient que tout le monde s’en tape, voire en redemande en votant pour des improbables Macron.

Je serai donc bref.

En résumé, et pour couper court à tout suspens inutile [ATTENTION SPOILER], les recommandations 2017 de l’UE à la France sont … ô surprise … le prêchi-prêcha ultra-libéral indigeste habituel.

Les « attendus » nous rappellent sur sept pages que nous, Français, sommes, comme on le sait maintenant indubitablement grâce aux âmes charitables qui officient quotidiennement dans la très performante machine à laver les cerveaux de l’oligarchie, un ramassis de branleurs assistés qui volent ses patrons tout autant que l’État, qui dépense trop, n’aime pas travailler, n’est pas flexible pour un sou, et n’est pas compétitif comparé aux autres esclaves européens.

Et la dernière page de l’homélie à la France liste rituellement les sempiternels commandements du dogme de la pensée unique, savoir :

  1. Réduction des dépenses publiques pour revenir dans les clous des traités européens (maximum de 3% de déficit et 60% de dette) en réexaminant « de  manière exhaustive les postes de dépenses dans le but de réaliser des gains d’efficacité qui se traduisent par des réductions de dépenses »
  2. Réduction du coût du travail « en consolidant les mesures déjà prises afin d’optimiser leur efficacité de manière budgétairement neutre », en « élargissant l’assiette globale de l’impôt » et en poursuivant « la mise en œuvre de la diminution prévue du taux nominal de l’impôt sur les sociétés »
  3. Baisse des salaires en « améliorant l’accès au marché du travail des travailleurs les moins qualifiés et les personnes issues de l’immigration » et en « veillant à ce que les évolutions du salaire minimum soient compatibles avec la création d’emplois et la compétitivité »
  4. Dérèglementation et simplification des charges pesant sur les entreprises, en « continuant à lever les barrières à la concurrence dans le secteur des services, y compris dans les services aux entreprises et les professions réglementées »

En gros, et en détails, le programme de Macron, bien sûr.  Rien d’étonnant.  Le programme extrémiste du grand capital, des banques, de la finance et des médias.

L’année dernière, souvenez-vous, l’édition 2016 du sermon de l’UE coïncidait avec les mobilisations de masse contre la loi El Khomri.  Cette année, elles tombent au moment même où nous allons choisir nos députés à l’Assemblée nationale, et donc notre futur premier ministre et la politique qui va avec.  La dernière chance de choisir un autre chemin est à saisir les 11 et 18 juin dans les urnes.

Après, il ne nous restera que nasses policières, volées de matraques, nuages lacrymos et perspectives grecques.  Et ce sera (peut-être) sans moi.  Faut assumer ses choix.

Les ordres 2016 de l’UE à la France, orgie néolibérale habituelle

Avant, chaque année depuis leur instauration en 2011, je les traduisais, les analysais, les commentais …

Mais ça, c’était avant.  Avant que je me rende compte, tout à mon affliction, que tout le monde s’en battait les tuuuut, en fait.  Je veux parler des recommandations de réformes que la Commission Européenne (sous le masque translucide du Conseil Européen) se permet de donner à chacun des 28 membres de l’Union, en sa qualité de … ben de j’sais pas quoi en fait, dans le cadre de la fameuse procédure du « Semestre Européen » dont je vous ai si souvent parlé.  Ainsi, en 2011 année de la création du triste semestre, puis en 2012 et finalement en 2013.

Et puis ce weekend, je suis encore tombé sur des gens (je ne me suis pas fait mal, ne vous inquiétez pas), fort bien intentionnés au demeurant, qui ne semblaient pas vraiment se rendre compte que les actes politiques d’aujourd’hui (tiens, comme le projet de loi El Khomri), sont les conditions d’existence de demain, ou, translatées dans le temps, que les décisions politiques d’hier sont notre environnement d’aujourd’hui.  La dialectique matérialiste toussa-toussa …

Ainsi, le Semestre Européen d’hier (ou le TSCG puisque le Semestre est maintenant intégré au TSCG) autorisent la Commission Européenne a dicté ses recommandations de réformes aux nations de l’UE.  Et le TAFTA (ou TTIP) d’aujourd’hui permettra, s’il est signé, à la société Coca-Cola (par exemple) d’obtenir des dommages et intérêts faramineux de la part de l’État français (c’est à dire, nous) si ce dernier s’obstine à vouloir maintenir (par exemple) un rétrograde salaire minimum en France, l’empêchant ainsi de réaliser les bénéfices auxquels elle pourrait raisonnablement s’attendre si on pouvait payer ces gueux à 1 € de l’heure comme dans tout bon pays civilisé.

Bref, j’ai lu les recommandations 2016 de la Commission concernant la France.  On peut trouver le document, bien à sa place, au milieu du tableau contenant également les 27 autres listes de recommandations nationales.  Et force est de constater que les commissaires passent (avant c’était Barroso le Commissaire en Chef, aujourd’hui c’est Juncker) mais les recommandations persistent, toujours les mêmes, inébranlables, intransigeantes, obstinées, glaçantes, impitoyables (cruelles) et pitoyables (risibles) à la fois.  Devant un tel aveuglement dogmatique radicalisé, je n’ai pu résister à l’envie de vous les faire partager encore une fois.

Mais, comme évidemment rédigées en novlangue européolibérale, elles nécessitent une traduction minimum afin d’être mieux digérées des néophytes pas très au fait des belles choses de cette Union qui nous protège (mais de quoi ? faudra bien qu’un jour on se pose la question quand même).

Un petit document, d’à peine 8 pages.  Dense.  Un splendide concentré d’homélie ultralibérale, un inventaire à la Prévert d’exhortations prosélytes au dieu Compétitivité (amen).

Le sermon commence, comme il se doit, par les « considérants ».  Que je vous ai traduits :

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De Juncker ou Tsipras, lequel ment ?

Comme chacun sait, le 26 Juin 2015 au soir, vendredi dernier, le gouvernement grec, après cinq mois de confrontation exténuante, renonçait à perdre d’avantage de temps et d’énergie dans de pseudos négociations avec les « institutions » – anciennement appelées la Troïka et qui comprennent toujours la Commission Européenne du malsain Juncker, le FMI de la nocive Lagarde et la Banque Centrale Européenne du pernicieux Draghi ; ajoutez à ce trio infernal le funeste Obama et vous obtenez les quatre cavaliers de l’Apocalypse.

Juncker, et dans son sillage la ribambelle de veules petits chefaillons dirigeant pour son plus grand malheur la belle Europe ainsi que la tripotée de serviles petits chroniqueurs et éditorialistes sévissant dans tous les bons médias près de chez vous, tente de nous expliquer, affolé, que la responsabilité de cette rupture incombe uniquement à ces fourbes de grecs :

« Vendredi encore, après des mois et des mois de discussions et de débats, nous étions une fois de plus déterminés, patients, autour d’une table à travailler au meilleur accord possible.  Cet élan a été brisé de façon unilatérale par l’annonce du référendum et par la volonté de faire campagne sur le « non » à cet accord, et surtout en ne disant pas toute la vérité », déclare-t-il

Le gouvernement grec de M. Tsipras ne dirait donc, selon M. Juncker, pas toute la vérité quand il dénonce un ultimatum inacceptable qui nie le choix démocratique du peuple grec (qui s’est exprimé clairement en janvier dernier pour la fin des politiques d’austérité à la sauce européiste).  M Juncker, après les rituels verbiages et creuses ritournelles à base de diverses permutations des mots « Europe », « Démocratie », « Paix », « Réconciliation », « Volonté », « Dialogue », « Vertueux », ou encore « Solidarité », et se laissant probablement emporter par une crise de vapeurs Eltsiennes, ajoute même :

Il n’y aurait, selon-lui, aucune réduction de salaires ni de pensions de retraites dans ce plan, se défend-il. Et ce serait même un plan d’équité sociale et de croissance économique !  Nous allons y revenir.

« Ce n’est pas un plan d’austérité stupide ! » déclame-t-il même, l’air inspiré, façon Actor’s Studio.  Mais c’est qu’il m’aurait presque fait douter, le fourbe !  J’ai donc voulu vérifier.  Rien de plus facile, car figurez-vous que le sieur Juncker, dont seule la balourdise dépasse la sournoiserie, n’a rien trouvé de mieux que de publier, croyant probablement que personne, et surtout aucun « journaliste », n’aurait l’outrecuidance d’aller jusqu’à … la lire, la dernière proposition de la Commission Européenne, celle-là même repoussée par M. Tsipras et ses vigoureux négociateurs.

La voici également sauvegardée sur mon site avec quelques passages importants surlignés.

Même si la question ne déborde pas d’un suspens haletant, voyons donc qui de messieurs Juncker ou Tsipras ment effrontément.

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315 petits milliards, Juncker, Lenglet et moi et moi et moi

Putain que c’est dur de reprendre le clavier.  J’ai les doigts tout rouillés.  Et mon neurone ankylosé.

Allons-y donc doucement, si vous le voulez bien.  Juste pour me remettre en bras, voici un (tout petit) mot sur un sujet dont j’avais pourtant décidé de ne pas parler.  Et je n’avais pas envie d’en parler, ben parce que … tout le monde s’en fout (ou presque), tout simplement.  C’est comme le réchauffement climatique.  Tout le monde s’en tape (ou pire, considère qu’il s’agit d’une arnaque et qu’on ferait mieux de s’engouffrer corps et âmes dans l’enfer carbonique des pétroles et gaz de schistes).  Les rêves humides de 19ème siècle de Gattaz et sa clique de patrons opprimés qui veulent « libérer l’entreprise » ?  Tout le mon s’en cogne (voire, trouve ça moderne).  La réécriture délirante par l’Usotanue* de la situation en Ukraine et la propagande va-t-en-guerre colportée par ses cerfs médiatiques ?  Tout le monde s’en bat (et puis dans le doute, suivons les gentils étasuniens puisqu’ils sont gentils, eux au moins).  Et ainsi de suite.  Une fois écartés tous les sujets dont tout le monde se fout … ben … il ne me reste plus grand chose à dire, finalement.  Faudrait que j’arrive à m’intéresser à la dernière émission télé à la mode, c’est quoi déjà, ah oui, Le Mur des Graines de Top Chef Pâtissiers en Colère en Cuisine (le MGTCPCC).

Bref, en attendant un billet sur le MGTCPCC, venons-en à mon sujet du jour.  En fait, il s’agit d’un chiffre, 315.  Les fameux 315 milliards d’euros du non moins fameux Plan d’investissement de Juncker annoncé à grands renforts de communication en fin de semaine dernière.  Mais oui, vous savez bien, tout le monde en a parlé, des étoiles plein les yeux et des hormones plein les glandes :

(Vade retro Google !)

Selon le tout frais président de la Commission européenne, Juncker 1er lui-même, successeur de Barroso le terrible, il s’agit d’une

« nouvelle initiative majeure pour relancer la croissance et l’emploi en Europe. »

Le plan, le voici.  Je l’avais parcouru il y a quelques jours, dès sa sortie en fait (ben oui, c’est pas parce qu’on ne poste plus qu’on ne peut pas rester informé, ou, dit autrement, c’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer sa cervelle), et y avais immédiatement décelé les monumentales entourloupes que toute personne qui suit à peu près régulièrement ces sujets économiques européens ne pouvaient s’empêcher de repérer également.  Les ficelles étaient tellement grosses que je ne pensais vraiment pas qu’un « décryptage » soit nécessaire.  Bien sûr, je n’allais pas jusqu’à benoitement m’imaginer qu’un Poujadas ou que Libé ou Le Monde n’en décrypte quoi que ce soit au delà de l’écume de la surface marketing publicisée.

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Commission Européenne on ICE


T’en souviens-tu ami, dans 3 semaines, ce sont les élections Européennes. (Et également la nouvelle élection présidentielle en Ukraine, mais ça, ce n’est pas mon sujet du jour.) Je souhaiterais donc t’entretenir, modérément, d’Europe, ou plutôt d’Union Européenne, celle de Barroso et Merkel. Je sais qu’il est totalement démodé de nos jours de s’intéresser aux programmes politiques avant que de déposer son bulletin de vote et je ne profiterai donc pas de ta vigilante bienveillance à on égard pour t’infliger l’analyse par le menu de ce programme.

Mais au moins, pourrions-nous examiner ensemble où nous en sommes rendu. Qu’en dis-tu ? Si tu es un lecteur assidu du Monde, de Libé, du Figaro, du Parisien, du Nobs, du Point, de l’Express ou de la PQR, ou si tu écoutes ne serait-ce que 10 minutes par jour la Radio ou la Télévision française, tu pourrais, ami, ne pas être entièrement au courant (mais la faute ne t’en revient pas exclusivement, rassure-toi) du bilan que beaucoup de gens, pas forcément tous idiots (bon, probablement moins brillants que Jean Quatremer 😀 mais quand même) tirent de la construction européenne actuelle. Parmi beaucoup d’autres, prenons par exemple Messieurs Michel Soudais et Denis Sieffert du journal Politis (oui, oui, c’est un hebdomadaire d’actualités, promis). Et bien, dans le numéro 1300 du journal,  ils démontent lumineusement les 5 mensonges qui nous sont perpétuellement (et vigoureusement) assénés concernant l’Europe (un peu à la manière dont les économistes atterrés démontent les 10 fausses évidences ou mythes sur l’économie de la pensée unique dans leur manifeste éponyme bien connu) :

  1. Mensonge 1 : un modèle de démocratie
  2. Mensonge 2 : une garantie de paix entre les peuples
  3. Mensonge 3 : l’assurance de la convergence sociale
  4. Mensonge 4 : plus de protection pour ses citoyens
  5. Mensonge 5 : une grande puissance politique et diplomatique internationale

Ami, si tes moyens te le permettent, abonne-toi (si ce n’est déjà fait) et lis par toi-même. Pour ma part, je me contenterai aujourd’hui d’illustrer le mensonge n°1 avec un exemple, à la limite de la caricature, de ce qu’est la Démocratie pour nos bâtisseurs européens.

Peut-être as-tu souvenir que je t’exposasse ici même il y a deux ans l’escroquerie que ces tartuffes venaient d’inventer pour tenter de se faire passer pour des gens tout à fait soucieux des aspirations du bas peuple (ce qui est malheureusement un peu un exercice obligé quand on se dit démo-crate finalement). Il s’agissait de l’Initiative Citoyenne Européenne (ICE) introduite dans le régement européen par le Traité de Lisbonne (fallait bien un gadget pseudo-démocratique dans ce texte pour tenter de faire oublier qu’il était l’émanation-même de la négation de la volonté populaire) et lancée très officiellement le … 1er avril 2012 (une sorte de clin d’œil frondeur à l’Histoire).

Bien sûr, à l’époque, Poursuivre la lecture de « Commission Européenne on ICE »