Le weekend dernier, sous l’œil excité des grands médias européens,, un ignoble viol collectif s’est déroulé au tréfonds d’une abjecte cave bruxelloise. La victime de cette traumatisante tournante, la Grèce, a dû endurer pendant plusieurs heures interminables les assauts incessants de ses agresseurs voraces, les « institutions européennes ». Cette bande de petites frappes criminelles bien connue des services de police démocratique, fait régner depuis plusieurs années la terreur austéritaire chez tous les peuples d’Europe sous la houlette de leur cruel meneur, le gouvernement Allemand.
Un « accord » non désiré a été engendré.
D’aucuns s’en sont félicités. Certains se sont même vantés d’avoir participé à cette nouvelle infamie européenne.
Mais tous les esprits bien faits 😉 ont bien évidemment condamné cet « accord » abject. L’argumentaire est si trivial que même un enfant de 12 ans peut le comprendre. Je ne m’y étendrai donc pas plus que ça. Pour synthétiser néanmoins en une seule deux petites phrases, disons juste qu’il va amplifier la récession et accélérer le pillage du pays sans rien résoudre sur le fond du problème. La misère va s’étendre encore plus largement, plus profondément et plus durablement dans le peuple grec, et la dette de la Grèce va continuer de s’accroitre.
Parmi toutes les réactions indignées qui se sont fait entendre parmi les esprits clairvoyants, je voudrais en retenir deux.
La première est intéressante à double titre. D’abord parce qu’elle émane directement de Yanis Varoufakis, l’ancien ministre des finances de la Grèce qui a repoussé les assauts libidineux des institutions pendant plusieurs mois. Ensuite (et surtout) parce qu’il s’agit de ses propres annotations sur l’accord lui-même. Une sorte de traduction en langage clair de la « novlangue européenne » que beaucoup de « journalistes » semblent avoir tant de mal à comprendre. Seul petit bémol pour les non-anglophones, le texte initial de l’accord est en anglais ainsi que les annotations insérées par Yanis Varoufakis.
La seconde réaction que j’ai retenue est celle d’Eric Toussaint qui préside la Commission pour la Vérité sur la Dette publique instituée par la présidente du Parlement grec. On rappelle que cette commission a établi dans son rapport préliminaire rendu public les 17 et 18 juin 2015 que la dette réclamée par les actuels créanciers doit être considérée comme illégitime, illégale et odieuse. Elle a également démontré que son remboursement est insoutenable. L’article d’Eric Toussaint est particulièrement intéressant car, outre la critique argumentée (pour ceux qui auraient encore des doutes) de cet accord odieux , il montre un chemin, une alternative possible au plan imposé à Alexis Tsipras par les créanciers-violeurs à Bruxelles.
Il est possible de rester dans la zone euro (puisque c’est ce que semble tant vouloir Tsipras et les grecs en général) tout en prenant de manière souveraine une série de mesures d’autodéfense et de relance de l’économie, nous dit M. Toussaint. La pierre angulaire de son plan alternatif est la suspension unilatérale par la Grèce de ses remboursements aux créanciers, en s’appuyant juridiquement sur le caractère illégal, illégitime, odieux et insoutenable de la dette grecque.
Puis, à côté de la suspension des paiements liés à la dette, Eric Toussaint émet quelques propositions de nature, selon lui, à aider la Grèce à se relever. En voici un résumé (mais il est toujours préférable d’aller lire le texte original, bien sûr).
1. Il conviendrait de tirer les conséquences de la participation majoritaire de l’État dans les banques en leur conférant un statut d’entreprise publique. L’État devra veiller à protéger les petits actionnaires et les épargnants. Il faut récupérer le coût de l’assainissement des banques sur le patrimoine global des gros actionnaires privés car ce sont eux qui ont provoqué la crise et ont ensuite abusé du soutien public. Une bad bank serait créée pour isoler les actifs toxiques en vue d’une gestion extinctive.
2. Les autorités grecques doivent réquisitionner la banque centrale. La banque centrale de Grèce doit être mise au service des intérêts de la population grecque.
3. Les autorités grecques ont également la possibilité de créer une monnaie électronique (libellée en euro) à usage interne au pays. Les pouvoirs publics pourraient augmenter les retraites ainsi que les salaires de la fonction publique, payer les aides humanitaires aux personnes en leur ouvrant un crédit en monnaie électronique qui pourrait être utilisé pour de multiples paiements : facture d’électricité, d’eau, paiement des transports en commun, paiement des impôts, achats d’aliments et de biens de première nécessité dans les commerces, etc. Contrairement à un préjugé infondé, même les commerces privés auraient tout intérêt à accepter volontairement ce moyen de paiement électronique car cela leur permettra à la fois d’écouler leurs marchandises et de régler des paiements à l’égard des administrations publiques (paiement des impôts et de différents services publics qu’ils utilisent). La création de cette monnaie électronique complémentaire permettrait de diminuer les besoins du pays en euros. Les transactions dans cette monnaie électronique pourraient être réalisées par les téléphones portables comme c’est le cas aujourd’hui en Équateur.
Le gouvernement pourrait également émettre de titres publics en papier sous formes de IOU’s (I Owe You), équivalents à des billets d’euro : 10 euros, 20 euros,… pour faire face à la pénurie de billets en circulation. Ils présentent un avantage par rapport à la drachme car ils laissent la porte ouverte à la négociation et permettent à la Grèce de rester formellement dans la zone euro.
4. Le contrôle sur les mouvements de capitaux doit être maintenu de même que doit être mis en place un contrôle des prix à la consommation.
5. L’organisme chargé des privatisations doit être dissous et doit être remplacé par une structure publique de gestion des biens nationaux (avec arrêt immédiat des privatisations) chargée de protéger le patrimoine public tout en générant des revenus.
6. De nouvelles mesures doivent être adoptées dans un souci de justice fiscale en vue de renforcer très nettement celles déjà prises, notamment en décidant de taxer très fortement les 10 % les plus riches (et en particulier le 1% le plus riche) tant sur leurs revenus que sur leur patrimoine. De même, il convient d’augmenter fortement l’impôt sur les bénéfices des grandes entreprises privées et de mettre fin à l’exemption fiscale des armateurs. Il faut aussi taxer plus fortement l’Église orthodoxe qui n’a versé que quelques millions d’euros d’impôts en 2014.
7. Une réduction radicale des impôts sur les bas revenus et les petits patrimoines doit être décidée, ce qui bénéficierait à la majorité de la population. Les taxes sur les produits et services de première nécessité doivent baisser radicalement. Une série de services de première nécessité doivent être gratuits (électricité et eau limitées à une certaine consommation, transports publics, etc.). Ces mesures de justice sociale relanceront la consommation.
8. La lutte contre la fraude fiscale doit être intensifiée avec la mise en place de mesures très dissuasives contre la grande fraude fiscale. Des sommes importantes peuvent être récupérées.
9. Un vaste plan public de création d’emplois doit être mis en œuvre pour reconstruire des services publics dévastés par des années d’austérité (par exemple, en matière de santé et d’éducation) et pour poser les premiers jalons de la nécessaire transition écologique.
10. Ce soutien au secteur public doit être accompagné de mesures visant à apporter un soutien actif à la petite initiative privée qui joue un rôle essentiel aujourd’hui en Grèce à travers les micro-entreprises.
11. Réaliser une politique d’emprunt public interne via l’émission de titres de la dette publique à l’intérieur des frontières nationales. En effet, l’État doit pouvoir emprunter afin d’améliorer les conditions de vie des populations, par exemple en réalisant des travaux d’utilité publique. Certains de ces travaux peuvent être financés par le budget courant grâce à des choix politiques affirmés, mais des emprunts publics peuvent en rendre possibles d’autres de plus grande envergure, par exemple pour passer du « tout automobile » à un développement massif des transports collectifs, développer le recours aux énergies renouvelables respectueuses de l’environnement, créer ou rouvrir des voies ferrées de proximité sur tout le territoire en commençant par le territoire urbain et semi-urbain, ou encore rénover, réhabiliter ou construire des bâtiments publics et des logements sociaux en réduisant leur consommation d’énergie et en leur adjoignant des commodités de qualité. Il s’agit aussi de financer le vaste plan de création d’emplois proposé plus haut.
Bien. Très bien. Une fois qu’on a dit ça, j’ai envie d’ajouter, les mains en porte-voix : « Putain ! Depuis le temps qu’on en parle ! Mais qu’est-ce qu’on attend pour essayer, bordel ! »
Car, comme vous l’aurez certainement vous-mêmes déjà remarqué, vous qui suivez l’actualité politique de près (sinon, vous n’en seriez pas arrivé à ce point dans la lecture fastidieuse de ce billet qui manque cruellement, je le concède, de quelque image racoleuse de seins ou de petites culottes), ces mesures ressemblent étrangement, dans leurs grandes lignes, au programme politique qui a permis à Syriza de remporter les législatives il y a 6 mois, en janvier dernier, ou au programme « l’Humain d’abord » qui a permis au Front de Gauche français de … non rien, pardon.
Et pourtant, rien. Toujours rien. Certes, malheureusement, la Grèce semble trop frêle en Europe pour oser renverser la table (comme dirait F. Lordon) et la France … ben la France, elle, elle semble bien trop droitière pour vouloir même oser effleurer cette putain de table.
Alors reste qui pour mettre un terme aux crimes de cette bande bruxelloise de violeurs en série perpétuellement insatisfaits ?
Qui ?