Tout travail doit être au service de la personne et non le contraire

Devinez de qui sont ces (très justes) paroles sur le thème du travail.

(Indice : comme vous vous en doutez, il ne s’agit pas de quelqu’un qui apparait souvent sur ce blog, je dirais même que ce n’est vraiment pas le genre de la maison, car sinon, s’il s’agissait par exemple de JLM, de Pepe Mujica, de Christophe Dejours* ou de Jean-Jacques, il n’y aurait pas vraiment d’intérêt à cette devinette).

(…)

Le travail ne peut être considéré comme une marchandise ni comme un simple instrument dans la chaîne de production de biens et de services, mais, étant la base du développement, il a la priorité par rapport à tout autre facteur de production, y compris le capital.

(…) il ne faut pas exagérer la « mystique » du travail. La personne « n’est pas seulement travail » ; il y a d’autres nécessités humaines que nous devons cultiver et considérer, comme la famille, les amis et le repos. Il est donc important de se rappeler que tout travail doit être au service de la personne et non la personne au service de ce dernier, et cela implique que nous devons remettre en question les structures qui font du tort aux personnes, aux familles, aux sociétés et à notre mère la terre, ou qui les exploitent.

Quand le modèle de développement économique se base uniquement sur l’aspect matériel de la personne, ou quand il n’est au profit que de quelques-uns, ou quand il détruit l’environnement, provoque un cri, des pauvres comme de la terre, exigeant de nous une autre direction.

(…)

Nous ne voulons pas un système de développement économique qui augmente le nombre de personnes au chômage, sans toit et sans terre. Les fruits de la terre et du travail sont pour tous et doivent être partagés équitablement entre tous**. Ce thème acquiert une importance particulière en référence à la propriété de la terre, dans les zones rurales comme dans les villes, et aux normes juridiques qui garantissent l’accès à celle-ci. Et à cet égard, le critère de justice par excellence est la destination universelle des biens, dont le « droit universel à leur usage » est « le premier principe de tout l’ordre éthico-social ».

Il est pertinent de rappeler cela aujourd’hui, tandis que nous nous apprêtons à célébrer le 70ème anniversaire de la Déclaration universelle des Droits de l’Homme, et aussi quand les droits économiques, sociaux et culturels doivent avoir une plus grande considération. Mais la promotion et la défense de tels droits ne peut se réaliser aux dépens de la terre et des générations futures. L’interdépendance entre le travail et l’environnement nous oblige à recentrer les genres d’occupation que nous voulons promouvoir à l’avenir et ceux qui doivent être remplacés ou resitués, comme peuvent l’être, par exemple, les activités de l’industrie de combustibles fossiles polluants. Un déplacement de l’industrie énergique actuelle vers une énergie renouvelable est incontournable pour protéger notre mère la terre.

Mais il est injuste que ce déplacement soit payé avec le travail et la maison des plus démunis. Autrement dit, le coût d’extraction de l’énergie de la terre, bien commun universel, ne peut retomber sur les travailleurs et leurs familles. Les syndicats et les mouvements qui connaissent la connexion entre travail, maison et terre ont à cet égard un grand apport à donner, et ils doivent le donner.

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Accord de Paris : en image (ou pas)

Hier, je vous donnais mon sentiment sur le fameux Accord de Paris issu de la COP21.

Pour résumer, le compte n’y est pas.  Il est même très loin d’y être.  Les (futurs?) signataires de l’accord se donnent en effet comme ambition de limiter globalement le réchauffement planétaire à 2°C (oublions la galéjade des 1,5°C) grâce à des réductions drastiques de consommation d’énergie carbonée … que chacun s’engage à faire individuellement (le tout dans le cadre intangible de la compétition économique mondiale – libre et non faussée comme il se doit – imposée par l’OMC) … et ils reconnaissent en parallèle que (page 4) leurs engagements actuels (les INDC) ne sont pas compatibles avec ce scénario.

Je voulais complémenter ce billet avec quelque chose de plus concret, de plus tangible, de plus visuel, pour que chacun puisse mieux se représenter de quoi on parle.  Voici donc 2 petites infographies très simples qui, je l’espère, vous aideront.

Tout d’abord, d’où partons-nous ?

Où l’on voit que, pétrole, gaz et charbon représentent environ 86% de la consommation d’énergie mondiale, et que cette fraction n’a pratiquement pas évolué depuis 1997.

Et où veut-on aller (pour atteindre l’objectif annoncé de rester en dessous des +2°C) ?

Pour répondre à cette question, voici une infographie qu’on ne pourra pas taxer de sectarisme primaire puisqu’elle provient … d’un climatosceptique US, le Dr. Roger Pielke Jr. de University of Colorado (je ne fournis pas de lien vers son comte Facebook volontairement, si vous y tenez, faites une recherche Ixquick 😉 ) :

Où il est annoncé que, pour tenir l’objectif de l’Accord de Paris, les sources d’énergie non carbonées devront passer de 14% à … plus de 90% au milieu de la deuxième moitié du 21ème siècle.  (Et tout ça en réduisant aussi le nucléaire qui, même s’il ne produit pas de gaz à effet de serre, reste un immense problème écologique pour les générations à venir).

Voilà, voilà … instructif, nan ?

Accord de Paris : qu’en penser ?

Nuit d’angoisse … suspens insoutenable … rebondissements de dernière heure … on se serait cru à une tournante de l’Eurogroupe s’acharnant sur la Grèce.

Mais, c’est bon.  La COP21 a accouché d’un bel accord en parfaite santé qui pèse 39 pages et mesures 29 articles.  Les parents sont très heureux :

Vive la planète, vive l’humanité et vive la vie.  On dirait du BHL tellement c’est beau.  Ou peut-être du Michel Drucker.

Ainsi, pendant que les français votaient régionalement pour les Pen, la Pen maximum, la tante, et la Pen de substitution, la nièce, je lisais l’historique Accord de Paris (c’est l’épithète homérique incontournable de ce que j’ai pu voir).  Le voici.

Et puisque vous insistez, si, si, je le vois bien, je vais vous donner mon avis.

Pour les organisateurs de la COP, cet accord marque un tournant vers un nouveau monde.  Rien que ça.  Il confirme (Art. 2) l’objectif de maintenir le seuil d’augmentation de la température au dessous de 2°C.  Les scientifiques considèrent que des grands risques existent en effet au-dessus de cette température.  L’accord se fixe même pour la première fois de tendre vers 1,5°C d’augmentation, afin de permettre la sauvegarde des États insulaires, les plus menacés par la montée des eaux.  Certains, parait-il, auraient même tenté de parler de renverser la courbe en voulant inscrire comme objectif un … refroidissement des températures (ces hurluberlus ont été discrètement éconduits de l’assemblée).

Bon, ça, c’est l’objectif.  La méthode ?  C’est la même que celle mise en place par le gouvernement français pour le CICE.  Chaque Partie, ou chaque pays si vous préférez, (Art. 4) « établit, communique et actualise les contributions déterminées au niveau national successives qu’elle prévoit de réaliser (des INDC, pour Intended nationally determined contributions, que ça s’appelle).  Les Parties prennent des mesures internes pour l’atténuation en vue de réaliser les objectifs desdites contributions. »  De la même manière, le MEDEF avait, on s’en souvient, annoncé un objectif de création d’un million d’emplois contre son chèque annuel de 20 milliards d’euros.  On connait le résultat.

Voilà.  Tout est là.  C’est le cœur du machin.  Les INDC !  Des contributions, décrivant des objectifs de réduction des gaz à effet de serre et des plans d’actions associés, déterminées individuellement par chacun des états.  Chaque Partie communiquera sa contribution déterminée au niveau national (INDC) tous les cinq ans à partir de 2020.  Elles seront centralisées et consolidées mondialement par l’ONU sur son site dédié du CCNUCC.  Et (Art. 14), la Conférence des Parties (la COP) fera périodiquement le bilan de la mise en œuvre du présent Accord afin d’évaluer les progrès collectifs accomplis dans la réalisation de l’objet du présent Accord et de ses buts à long terme.  Le premier bilan mondial est prévu en … 2023.

C’est ça l’accord historique.

Quant au financement, comme d’hab (Art. 9) : « les pays développés fourniront les ressources financières pour venir en aide aux pays en développement ».  Probablement sous la forme de prêts bien juteux assortis de Plans d’Ajustement Structurels ou de mémorandums dont seuls le FMI, la Banque Mondiale ou l’Union Européenne ont le secret.  Ce point n’est pas abordé dans l’Accord.

Bon, là où on est rassuré quand même, c’est quand on lit que (Art. 4) « les pays développés continueront de montrer la voie ».  Ouf, me voilà tranquillisé, moi qui craignais que ces grands fous aient l’idée saugrenue de prendre quelque distance par rapport au capitalisme.  Imaginez un peu en effet une écologie à la Gorz.  Brrr.

Le summum est atteint quand on apprend (Art. 7) que, pour que ça fonctionne, « les Parties devraient intensifier leur coopération ».  Intensifier notre coopération mondiale !  Tout ça en respectant la sacro-sainte compétition libre et non faussée, s’entend.  Hum, j’attends de voir.

Pour finir sur une note d’humour, sachez que cet accord sera … ouvert à la signature (ah bon, je croyais benoitement que c’était ce qui venait de se passer à Paris, comme quoi, j’avais pas tout compris) au Siège de l’Organisation des Nations Unies à New York du 22 avril 2016 au 21 avril 2017 (Art. 20) et qu’il entrera « en vigueur le trentième jour qui suit la date du dépôt de leurs instruments de ratification, d’acceptation, d’approbation ou d’adhésion par 55 Parties à la Convention qui représentent au total au moins un pourcentage estimé à 55 % du total des émissions mondiales de gaz à effet de serre » (Art. 21).  Z’avez compris ?  Je traduis au cas où.  L’Accord sera ouvert à la signature des pays pendant 1 an à partir du 22 avril à New York, et pour qu’il entre en vigueur il faudra qu’une double condition soit satisfaite : 55 pays représentant au moins 55% des émissions devront avoir ratifié l’accord.  C’est pas vraiment plié, tout ça, me semble-t-il.

Et, pompon sur le gâteau aux cerises, après l’entrée en vigueur de l’accord, les pays participants pourront s’en retirer, sur simple notification, avec un préavis d’un an (Art. 28).  Imaginons.  Imaginons que les USA signent réellement ce texte en avril (n’oublions pas qu’ils n’ont jamais ratifié le protocole de Kyoto) et que l’autre débile profond de Trump remporte les élections l’année prochaine.  Que pensez-vous qu’il va faire une fois élu, sachant que plus de 50% de la population étasunienne , et 100% de son électorat (dont les ineptes coal runners), ne croit toujours pas au réchauffement climatique d’origine humaine mais croient par contre dur comme fer, que Dieu a créé le monde en 7 jours à partir de poussière céleste et de salive divine, que leur pays est une nation élue de Dieu servant de phare à l’humanité, que l’Irak détenait des armes de destruction massive et était impliqué dans les attentats du 9/11, que la sécurité sociale est une œuvre de Satan, que Obama est un socialiste marxisant et Hollande un bolchévique révolutionnaire, que Burgandy est la capitale de l’Espagne, ou du Danemark, ou de Suisse, enfin bref, d’un quelconque pays d’Asie mineure et que Dark Vador est le père de Poutine (je ne suis pas un adepte de la série mais il me semble que ça ferait du coup de Poutine le frère de Luke-la-force-soit-avec-lui-amen, non ?).   Je dirais qu’on est pas rendu.

Je voudrais terminer par le point n°17 noyé en page 4 du document :

17. [La COP] note avec préoccupation que les niveaux des émissions globales de gaz à effet de serre en 2025 et 2030 estimés sur la base des contributions prévues déterminées au niveau national [INDC] ne sont pas compatibles avec des scénarios au moindre coût prévoyant une hausse de la température de 2 °C, (…) et note également que des efforts de réduction des émissions beaucoup plus importants que ceux associés aux INDC seront nécessaires pour contenir l’élévation de la température de la planète en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels.

En résumé, les INDC actuels déposés pour cette conférence de Paris (ici) ne sont pas compatibles avec le scénario des 2°C et nécessiteront donc des efforts considérables pour leur prochaine présentation.  Va donc falloir attendre la COP22, ou la 23, ou la 48 …  Et pendant ce temps, ça chauffe.

Alors, un succès cette COP21 ?

Ou un leurre.  Encore une fois, j’ai ma petite idée, mais il est vrai que je ne suis qu’un sale con pessimiste et que donc ça compte pas.

Ah oui, dernière petite chose, quelqu’un pourrait-il me traduire le paragraphe d’anthologie ci-dessous sur lequel j’ai passé déjà bien trop de temps.  Article 2, alinéa 2, page 24 :

Le présent Accord sera appliqué conformément à l’équité et au principe des responsabilités communes mais différenciées et des capacités respectives, eu égard aux contextes nationaux différents.

Avis aux amis du développement durablement polluant

Un avis de Didier Porte « aux amis de l’écologie productiviste, du développement durablement polluant, du nucléaire propre, des gaz de schistes renouvelables et du foutage de gueule dans les grandes largeurs », et plus précisément à Najat Vallaud-Belkacem.  Cela concerne la « Maud Fontenoy Foundation », un « projet enthousiasmant » soutenu par notre gouvernement (qui se croit de gauche), fondation créée par Maud Fontenoy, navigatrice, militante UMP et sous-marin du Sarkosisme qui est à l’écologie ce que sont « DSK au féminisme, Emmanuel Macron au prolétariat et DAESH à l’œcuménisme, à savoir des porte-parole à la légitimité plus que perfectible !  »

A retrouver sur le nouveau site hébergeant la vénérable émission de Daniel Mermet, Là-bas si j’y suis, puisque les deux, Didier Porte et Daniel Mermet avaient été, vous le savez, expulsés de Radio France il y a quelque temps.

Hommage tardif mais sincère à Christophe de Margerie

Je me rends compte aujourd’hui, avec regrets, que je n’ai pas rendu à cet homme, au moment de sa mort, la semaine dernière, l’hommage qu’il méritait.  Un bref rappel de ce qu’était Christophe de Margerie, c’est à dire un quelconque membre de l’oligarchie capitaliste mondiale, se goinfrant comme c’est pas permis (ah ben si, merde, se goinfrer est toujours permis par la loi dis donc, c’est ballot), semblable à tous ses congénères, peut-être un poil plus zélé que d’autres, et mon tribut était plié.

Je veux aujourd’hui réparer cette faute impardonnable en revenant plus en détails sur la carrière de cette nouvelle icône de la deuxième droite, celle au pouvoir, celle de Hollande et de Valls (c’est aussi l’icône de la première droite, la droite classique, la droite fière de l’être, mais ça, on s’en serait douté).

Concentrons-nous, si vous le voulez bien, sur son parcours à partir du moment où il prend les rennes rênes (correction suite au commentaire de Panouille ci-dessous) de Total, disons à partir de 2007, date à laquelle il est nommé Directeur Général. Il rajoutera le P de président et deviendra PDG à partir de mai 2010.

Vous connaissez tous, bien sûr, les procès les plus notoires qui ont mis en cause la probité et la réputation du groupe pétrolier. La marée noire après le naufrage de l’Érika (condamnation de Total à payer de fortes indemnités en 2010) et l’accusation des familles des victimes d’avoir tout fait pour « camoufler la vérité » après l’explosion de l’usine AZF à Toulouse en 2001.

Mais connaissez-vous tous les soupçons de violations des droits humains qui ont fait l’objet de recueil de témoignages documentés sérieux concernant Total (même si tous, malheureusement, n’ont pas forcément pu être juridiquement avérés) sous la Direction du grand homme ? Certes, beaucoup de ces affaires n’ont jamais abouti, sont encore en instruction ou n’ont pas eu le retentissement qu’elles auraient mérité.  Mais ne désespérons pas.  C’est comme Sarkozy et toutes ses casseroles.  Peut-être, un jour, l’une d’entre elles le fera-t-elle trébucher.  Al Capone est bien tombé pour fraude fiscale ! Tout espoir de justice n’est pas encore complètement perdu.

Allez, Christophe, ceci est pour toi, en hommage à ta soif jamais assouvie.

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