Russophobie manipulatrice ou la crise Ukrainienne vue par M. Chevènement

Même si je n’en partage pas complètement toutes les analyses, je me permets de reprendre de larges extraits de ce texte de Jean-Pierre Chevènement paru dans le Monde Diplo de Juin 2015 (et réservé en principe aux abonnés, dont je suis) afin que chacun, et en particulier mes amis proches qui, pour la plupart, sont persuadés que je dors avec un portrait de Poutine au dessus de mon lit, afin que chacun, disais-je donc, puisse voir ce qu’est une réflexion lucide, pondérée, indépendante, cultivée, intelligente et, pour tout dire, à mille lieues du manichéisme ambiant qui règne dès qu’on évoque, par ces temps troublés, le mot de Russie ou pire, le nom de Poutine (vade retro !).

Vue la publicité que je leur fais en permanence sur ce blog, j’espère que le Diplo ne m’en voudra pas trop et qu’ils ne me poursuivront pas pour avoir mis en libre accès des pans importants d’un contenu normalement payant.  D’ailleurs, j’en profite pour en remettre une p’tite couche (on sait jamais 😉 ) : hé, mes amis, si vous en avez les moyens, abonnez-vous au Diplo, et voyez le monde autrement qu’au travers les verres déformants du LibéFigarObsMonde.

Crise ukrainienne, une épreuve de vérité

par Jean-Pierre Chevènement, juin 2015

(…) l’Ukraine n’avait été indépendante que trois ans dans son histoire, de 1917 à 1920, à la faveur de l’effondrement des armées tsaristes.

L’Ukraine telle qu’elle est née en décembre 1991 est un État composite. Les régions occidentales ont fait partie de la Pologne entre les deux guerres mondiales. Les régions orientales sont peuplées de russophones orthodoxes. Les côtes de la mer Noire étaient jadis ottomanes. La Crimée n’a jamais été ukrainienne avant une décision de rattachement imposée sans consultation par Nikita Khrouchtchev en 1954. La tradition de l’État est récente : moins d’un quart de siècle. Les privatisations des années 1990 ont fait surgir une classe d’oligarques qui dominent l’État plus que l’État ne les domine. La situation économique est très dégradée ; l’endettement, considérable. L’avenir de l’Ukraine — adhésion à l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) ou neutralité — est ainsi inséparable de la reconfiguration des rapports de forces à l’échelle européenne et mondiale. En 1997, M. Zbigniew Brzezinski écrivait déjà que le seul moyen d’empêcher la Russie de redevenir une grande puissance était de soustraire l’Ukraine à son influence (1).

Un dérapage accidentel

Le rappel des faits est essentiel pour qui veut comprendre. La crise ukrainienne actuelle était prévisible depuis la « révolution orange » (2004) et la première tentative de faire adhérer le pays à l’OTAN (2008). Cette crise était évitable pour peu que l’Union européenne, au moment du lancement du partenariat oriental (2009), eût cadré la négociation d’un accord d’association avec l’Ukraine, de façon à le rendre compatible avec l’objectif du partenariat stratégique Union européenne-Russie de 2003 : créer un espace de libre circulation « de Lisbonne à Vladivostok ».

Il eût fallu, bien entendu, tenir compte de l’intrication des économies ukrainienne et russe. L’Union eût ainsi évité de se laisser instrumentaliser par les tenants d’une extension de l’OTAN toujours plus à l’est. Poursuivre la lecture de « Russophobie manipulatrice ou la crise Ukrainienne vue par M. Chevènement »