Quelques anticipations sur le TTIP (le grand marché transatlantique)


En cette grisâtre veille de fête des morts, je me devais de lire quelque chose d’adapté.  Quelque chose de bien déprimant et de bien révoltant, vous voyez le genre.  Mon choix s’est donc porté tout naturellement sur un rapport économique étasunien, émanant du Economic Policy Institute, concernant les attaques législatives du régime étasunien sur le monde du travail aux États-Unis.

Pourquoi ce rapport concernant le travail aux États-Unis est-il intéressant, à mon avis, pour nous autres pauvres européens?  Parce qu’il préfigure ce qui nous attend.  S’instruire sur les conditions économiques et sociales aux US, c’est malheureusement un peu comme lire dans le marc de café concernant nos propres futures conditions.  Depuis l’avènement du capitalisme débridé, le régime étasunien constitue en effet le laboratoire lugubre où se concoctent les pires recettes qui sont ensuite exportées sur toute la planète, y compris sur notre vieux continent.  Cela me rappelle d’ailleurs quelques camarades étudiants, il y a bien des lustres de cela, qui déjà à l’époque répétaient sans cesse, des étoiles (environ une cinquantaine) plein les yeux, des bandes (environ une grosse douzaine) sur leur R8 gordini, à propos de tout et n’importe quoi: « putaingue (cela se passait à Marseille ;-)), on a au moins vingt ans de retard sur les ricaingues ici, mais tu verras, ça finira par arriver chez nous aussi ».

Le rapport, pour en revenir à lui, fournit une étude détaillée de toutes les lois, votées sur 2011-2012 à travers tous les états étasuniens, qui attaquent, portent atteinte, restreignent ou abrogent les standards, les protections et les acquis des travailleurs dans ce pays de damnés de la terre:

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Les grandes familles


Les chefs de clans mafieux New Yorkais ont La Commission.

Les patrons du grand capital français ont le MEDEF.

Avant, le MEDEF s’appelait le CNPF.  Et le CNPF a été dirigé dans les années ’80 (de 1981 à 1986) par Yvon Gattaz.  Mais ça, c’était avant.  Aujourd’hui, le MEDEF s’appelle … le MEDEF, et il est maintenant dirigé par … Pierre Gattaz, le digne fiston.  Car, sans que cela fasse trop de bruit, ni même aucun bruit du tout d’ailleurs, le rejeton, Pierre Gattaz a été officiellement élu, mercredi 3 juillet dernier, président du MEDEF avec … 95 % des voix.

Et là, vous vous dites, trop contents, que, de toute manière, il ne peut pas être franchement pire, pour le monde du travail, que sa prédécesseur (j’ai pas l’impression que le mot existe au féminin), j’ai nommé l’infecte Laurence Parisot.  Oulala, quelle erreur!  Détrompez-vous!  Je crois, d’après ce que je lis, que nous pouvons légitimement nous attendre … au pire.

Pour vous aider à situer le nouveau maitre des maitres, sachez par exemple qu’à peine intronisé, il demande … attention, le suspens est insoutenable … tantantan … une économie de 100 milliards d’euro de baisses de charges (50 milliards) et d’impôts (50 autres milliards) sur cinq ans.  Putain, ça au moins, c’est original!  Ah oui, bien sûr, à la place, il préconise … tantantan … un transfert vers des mécanismes de type TVA et CSG.  Ben oui, on connait la recette Sarkozyste et Hollandiste.  Y’a qu’à faire payer les consommateurs français puisque de toute manière notre modèle c’est l’Alleuuumagneux, et que nos putains de produits, on compte les exporter (vers des pays qui ont encore des consommateurs avec un peu d’argent frais dans les poches, attention la liste se réduit comme une peau de chagrin).

Alors qui est ce Pierre Gattaz?

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Si les socialistes n’étaient pas complètement colonisés par la finance


C’est toujours avec une vive jubilation, mêlée d’une craintive humilité (et muni d’un bon bidon de boisson désaltérante non gazeuse, et non américaine, à portée de main) , que je m’attaque à la lecture d’un nouvel article de Frédéric Lordon.

Comme d’habitude, on peut le trouver (l’article, pas Frédéric, gros bêtas) sur La pompe à phynance, son blog économique (le blog de Frédéric, pas celui de son article, ce qui ne voudrait strictement rien dire voyons, faut s’accrocher un peu les gras parce que ça va pas aller en se simplifiant, j’vous le dis) hébergé par le Monde Diplo.  Comme son titre le dévoile, La régulation bancaire au pistolet à bouchon  décrypte le projet de loi du gouvernement socialiste 😀 dit de « séparation » 😀 et de « régulation » 😀 des activités bancaires.  L’arme de destruction financière massive annoncée, vous vous en souvenez, par le candidat Hollande lors de son meeting du Bourget.

Du grand Lordon.  Une brillante démonstration, claire et percutante, sans pour autant renoncer à l’humour dont on sait le sait friand, de cette indéniable anticipation:

Ce sera du gâteau pour les historiens d’ici quelques décennies de se livrer à l’analyse comparée des réactions respectives à la crise financière des années trente et à celle de 2007, et l’on saura à quoi s’en tenir quant à la tenue des élites des deux époques, leur degré de compromission avec les forces de la finance et de servilité vis-à-vis des puissances d’argent.

Tiens, Vincent, c’est spécialement pour toi, pour parachever de haute volée notre échange privé, électroniquement épistolaire, que nous avons entretenu sur le sujet il y a quelques temps:

La « loi de séparation et de régulation bancaire » est à peine mieux que rien.

Je sais que Malo et toi êtes grands amateurs de Frédéric Lordon.  Régalez-vous, si ce n’est déjà fait.

Quelques morceaux choisis ci-après, même si, bien sûr, pour suivre parfaitement à la culotte le déroulé de la démonstration imparable du sieur Lordon, il faut absolument lire l’intégralité de l’article (de préférence le matin, avec les idées claires et la cervelle en ordre – prévoir une petite soirée tranquille avec coucher tôt la veille).

Pour avoir, donc, quelque chose qui ne soit pas rien, il aurait fallu au texte de loi (…) ne pas se laisser complètement intoxiquer par les jérémiades de l’industrie financière qui jure que chacune de ses opérations, même des plus scabreuses, est une « contribution au financement de l’économie ».  Mais les esprits socialistes ont été dévastés par l’idée que le financement par le marché est d’une incontestable modernité — « et donc » toutes les activités connexes qui vont avec : couverture, fourniture de liquidité, financement du shadow banking system etc.

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Circenses et circenses


Je sais.  C’est l’été.  Aujourd’hui, c’est même le fameux week-end de chassé-croisé entre les juillettistes et les aoutiens.   Il y a la tribu des bronzés qui reviennent du soleil, mélancoliques mais revigorés, et la tribu des livides qui y partent, épuisés mais surexcités.  Et puis, il y la tribu des invisibles qui … restent chez eux, épuisés et mélancoliques.

Alors, pourquoi est-ce que je viens encore vous saouler avec un billet en pleine trêve des plagistes ?

C’est que je tenais tout simplement à vous faire savoir, au cas où vous ne l’auriez pas déjà su, que Frédéric Lordon a publié, en début de semaine, sur son blog d’économie hébergé par le Monde Diplo, la pompe à phynance, un nouveau billet qui se lit, comme toujours, avec beaucoup d’intérêt mais également beaucoup de concentration appliquée ;-).  Il y explique, avec le style riche et précis qu’on lui connait, quoique beaucoup moins humoristique cette fois-ci, les 2 dernières péripéties financières qui nous ont été révélées dans le monde merveilleux du capitalisme dérégulé mondialisé, à savoir l’affaire du Libor et les taux d’intérêt négatifs.

Ce sont 2 bizarreries de la finance « à caractère un peu technique », selon la mise en garde même de l’auteur en début d’article, mais qui sont tellement symptomatiques de l’absurdité du monde dans lequel nous vivons qu’elles méritent bien, à mon humble avis, quelques minutes de concentration intellectuelle, même si cet effort cérébral doit avoir lieu, vacances obligent, abrité à l’ombre d’un grand pin, bercé par le chant lancinant d’une cigale bucheronne, et embrumé par les effluves d’une boisson alcoolisée à base d’anis que la loi Evin m’interdit de nommer (indice: 42 + 9 ;-)).

Je vais donc tenter d’en résumer la teneur, avec mes capacités et mes mots à moi, pour ceux qui sont hermétique au style, pourtant efficace, de M. Lordon.  En même temps, c’est un exercice auquel je me plie régulièrement avec beaucoup d’enthousiasme puisqu’il me permet de mieux comprendre, moi-même, des sujets, de prime abord, plutôt rebutants.

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Nouveau plan d’ « aide » à la Grèce: les lois du saigneur sont impénétrables


Après des semaines de négociations, en fait principalement des menaces et des humiliations envers le peuple grec, le gouvernement grec et la zone euro ont fini par se mettre d’accord sur le plan d’aide final de l’Europe.  Il a été voté par l’Eurogroupe ce lundi 20 février (c’est à dire par les ministres des finances de la zone euro).  L’Eurogroupe l’a synthétisé dans une déclaration de 3 pages que je vous livre brut de fonderie, c’est à dire en anglais comme il se doit pour faire sérieux.

Vous en avez bien sûr entendu parler.  Quelques médias l’ont survolé.  D’autres ont donné un peu plus de détails.  Toujours sous l’angle officiel bien sûr: ces braves pays européens et ces gentils banquiers vont encore une fois se saigner aux 4 veines pour sauver ces branleurs et voleurs de grecs.  On connait.

Mais, je m’étonne (c’est une figure de style car évidemment cela ne m’étonne pas du tout ;-)) de voir que personne ne note le point principal.  Si je devais n’en retenir qu’un ce serait celui-ci:

Le but de cet accord est de « s’assurer que la dette publique grecque soit ramenée sur une pente descendante pour atteindre 120,5% du PIB en 2020 » (en anglais dans le texte: « ensure that Greece’s public debt ratio is brought on a downward path reaching 120.5% of GDP by 2020″.

Rendez-vous compte: 120,5% du PIB en 2020 !  Ce chiffre prend toute son absurdité lorsqu’on en rappelle un autre: la dette grecque était de … 127% du PIB en 2009 !  Le massacre implacable de ce pays, la paupérisation de son peuple, l’austérité, la précarité et la pauvreté comme unique avenir pour les décennies à venir, la mise sous tutelle totale de l’économie, l’occupation du territoire par la troika tyranique financière internationale (Commission Européenne, BCE, FMI), tout ça serait donc justifié pour réduire … de 6 malheureux points en 11 ans, en étant optimiste (dixit Junker), le rapport de dette publique à la richesse produite.  Je rappelle qu’il était clairement possible de ramener le niveau de leur dette à ce niveau, et même bien inférieur, et ce bien avant 2020 !  Il suffisait de permettre à la Grèce d’emprunter directement à la BCE au taux des banquiers !  Il n’était pas nécessaire d’étrangler leur économie et d’écraser leur peuple avec tous les plans de rigueur successifs.

Et cela ne choque personne !

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