Les Golden corbeaux de Twitter par Denis Robert

En soutien à Denis Robert, voici repris ici (une sauvegarde de plus) in extenso son article qui a disparu de sa page Facebook.  Denis Robert subit (encore une fois, respect) une guerre de classe sans merci de la part des multinationales pour avoir, cette fois, identifié et nommé les Golden Twittos, traders, banquiers et haut dirigeants de multinationales, qui on tout, et qui déversent pourtant, sous couvert d’anonymat des réseaux sociaux, leur haine, leur arrogance et leur mépris envers ceux qui ont peu ou rien.

Merci à Denis Robert.

Par Denis Robert · 3 Juin 2016
Quand ce week-end, une amie m’a envoyé quelques tweets agressifs écrits par des types aux noms étranges avec des têtes de catcheur masqué, j’aurais dû me méfier et passer mon tour. Moi, vous me connaissez ? (titre d’un magnifique roman de San Antonio) Les cons, les agressifs et les sarkozistes, j’aime pas…

Sur Twitter, l’appel au meurtre du 18 mai 2016 « @lacruzFX », Vice-Président financier de la branche « eaux » de Danone
Les beaufs crachant sur les grévistes, trouvant la “Loi Travail” trop cool pour les chômeurs et voulant buter les Cégétistes et les SDF, non plus. Les golfeurs, roulant en Ferrari ou volant en Jet privé exhibant leurs mômes, leur blé ou leurs femmes comme des trophées encore moins. Et les blanc becs arrogants ne jurant que par la loi du marché, je ne vous dis pas.
Alors, quand vous tombez sur des spécimens cumulant tous ces attributs avec en sus une propension à cracher sur les avantages sociaux des fainéants de Français, sur les musulmans qui seraient tous des terroristes, une bande de décérébrés du bulbe vantant les mérites des paradis fiscaux, vous commencez par vous dire que c’est un gag. Qu’une telle engeance ne peut exister que dans un cauchemar Grolandais… Vous cherchez le piège, la caméra cachée, le coup monté par « Sauvons les riches », vous commencez par vous dire que Twitter peut aussi filer la gerbe. Vous y plongez comme dans un bain saumâtre. En apnée.

Alexandre Perrin, Trader à Londres. « les noirs sont des Nègres »
Très vite vous , le touriste face à cette incontinence neuronale, vous vous demandez pourquoi tant de haine et en arrivez à la conclusion que certains masques mériteraient d’être levés. Qui parlent ? Alors, tel Clint Eastwood dans « Grand Torino », vous posez votre clope sur le coin d’une assiette, vous avalez une dernière rasade de ce qui vous passe dans le Duralex et vous reprenez du service. Vous appelez deux ou trois amis et vous vous mettez à chercher ce que cachent ces twittos qui en veulent tant aux femmes, aux hommes, aux chiens, aux pauvres, aux communistes, aux socialistes, aux socialo communistes, à Gérard Filoche et à Léo Ferré. J’en passe et j’arrête là.
Nous avions entendu déjà les soliloques poussiéreux des nostalgiques de Mao, les discours pontifiants des curés de la sociale démocratie qui au final n’est ni sociale, ni démocrate.

Tweet envoyé à une jeune twitteuse, le 29 mai 2016 par @LacruzFX, vice-président financier de la branche « eaux » de Danone
Nous connaissions les hurlements haineux des extrémistes de droite. Nous n’avions encore jamais pris la peine d’écouter le bruit que font entre elles les « mains invisibles de la finance mondialisée ». Et pour cause : à moins d’être poursuivi dans des affaires retentissantes, les banquiers, les traders, les administrateurs de multinationales ou de medias de masse ne communiquent jamais. Nous avons pris un peu de temps pour essayer de comprendre ce que cachaient leurs conciliabules et leurs vociférations. Ils forment une petite famille sur les réseaux sociaux. Ce que nous avons découvert dépasse l’entendement. On en sort sale et essoré.

Dans la tête d’un Trader… un vrai.

En cherchant à savoir qui se mijotait derrière les masques de ces ultras du libéralisme sectaire, nous avons percuté (lundi dernier sur Facebook) un trader londonien et un cadre sup de chez Danone. Les retours de flamme ont été violents.
Nous avons donc enchaîné. Aujourd’hui, tel l’oncle Paul, nous voudrions évoquer le cas d’un banquier français et d’un autre trader masqué planqué entre Londres et Singapour. Le trader signe ses tweets Gordon Gekko, l’agent de change du film Wall Street.
Gordon Gekko @SkyZeLimit, le «trader le plus abject de l’univers » selon une revue financière suisse. Dans la vraie vie, Gordon s’appelle Alexandre Perrin. Voici son LinkedIn. Il a la trentaine et un look de gendre idéal pour mamie tropézienne. Il sévit comme trader à la City de Londres.
Il avait pourtant tout pour être heureux sans devoir casser du beur ou du nécessiteux : école privée suisse, Westminster, Harvard, l’Imperial College of London, HEC Paris… Au passage, il profite du fond d’aide public ’Erasmus’ pour étudier à Madrid, voilà une place qu’un gamin moins aisé n’aura pas eue… Mais ce n’est pas bien terrible, comme il l’avouait lui-même sur Twitter en 2012, Gordon Gekko est «pauvrophobe ». Il adore les « pauvres » mais dans le rôle d’esclaves. La domination sociale ne lui suffisant pas, il aime aussi la domination masculine et ethnique.
Entre Londres et Singapour, Gordon le trader travaille pour Terrafirma. Son patron avait donné des indications philosophiques intéressantes dans un billet ici . En français : on ne peut pas tout avoir, et pour une société en bonne santé, il faut savoir se concentrer sur la contribution que l’on veut y apporter… Encore Raté.
Alexandre ne s’est pas satisfait de sa carrière fulgurante de trader, ni même d’attirer l’attention de la presse. Pour se détacher des autres, il a voulu jouer de son anonymat pour casser du « pauvre ». À son niveau de rémunération, l’ennui semble à l’affût, alors le jeune homme tweete… Un mauvais investissement. Le cours de Gordon Gekko est fortement à la baisse.
Il ne paie pas d’impôt. On le comprend, son grand âge (la trentaine) et son expérience de la vie lui permet de vociférer « qu’il a assez donné ». Alex explique qu’il roule en Lamborghini. Une vieille Jaguar j’aurais compris, mais la Lamborghini, plus encore que la Ferrari ou la Maserati, c’est au moins une faute de goût.
Alex, l’anti-tout est -a priori-, celui qui ose tout dire, le type cool et suivi sur Tweeter. Sur les réseaux sociaux, la longue liste de ses haines pathologiques défile sans discontinuer. Au début, nous avons cru au Fake. Pourtant, notre homme est bel et bien Trader.

Arme ayant tué Trayvon Martin, un jeune noir américain. Tweet du trader.
On cherche encore le Tweet qui ne pourrait pas être pénalement condamné. Sur les photos, il ressemble à une caricature des jeunesses UMP ou FN. D’ailleurs Alexandre, le bien éduqué, parle un peu comme ses copains du Front. Il préfère ainsi à l’étudiant noir l’arme qui l’a dégommé. Il n’aime pas les femmes libres. Ne supporte pas les homosexuels, les roumains, les musulmans, les grévistes, les jeunes, les intellectuels et les pauvres.

Un Banquier qui assume ses propos…

Notre autre « client » du jour est un banquier twitto très impliqué dans le commentaire sur la Réforme du Code du Travail. Il sévit sur le net, dans les forums, sous un masque. Il signe Jabial. De son vrai nom, Joël-Alexis Bialkiewicz Gérant de la vénérable Banque Delubac & Cie ), et au passage associé-gérant de l’entreprise CAISSE DE COMPENSATION LOCATIVE.

@jabial. Gérant de Banque
La Banque Delubac & Cie s’est développée dans le domaine du financement à court terme à destination des entreprises en difficulté, d’après le JO. Une banque spécialisée donc dans les liquidations judiciaires et les reprises musclées. Le père de @Jabial, Serge Bialkiewicz, est entré au capital en 1998. La banque met en avant dans sa présentation le côté familial.
Le fils n’a pas fait des études économiques mais informatiques. En 2010 la Banque Delubac & Cie crée un prix Cyrille Bialkewicz destiné à primer des thèses sur le droit des entreprises en «difficulté ». Ces distinctions sont l’occasion de rassemblements où l’on peut croiser le gratin de la finance et des médias : Principalement des animateurs de BFM mais aussi l’ancien directeur de l’OMC, Pascal Lamy, François de Closet, le n°2 du MEDEF, Thibaut Lanxade. Anne Lauvergeon (AREVA) ou des ministres comme Hubert Védrine, Hervé Novelli ou Luc Ferry.

@jabial, gérant de banque
Le jeune banquier qui tweete incognito pour casser du gréviste ou du Cégétiste, aime s’entourer. Alexis tutoie le gratin de la finance française, s’amuse de l’idée de balancer à la mer Martinez et les Cégétistes depuis des hélicoptères. Quand on lui rappelle que c’est du même niveau que de plaisanter sur les chambres à gaz, il toussote un peu…
Les « Vols de la Mort » (ces gauchistes qu’on jetait d’un avion à la mer) sont une horreur des dictatures sud-américaines, il renchérit en déclarant le plus sérieusement du monde son admiration pour le dictateur Augusto Pinochet. A part ça ? D’abondants retweets anti mouvements sociaux et à l’évidence un gros problème d’anti-féminisme primaire. Notre twitto est également en délicatesse avec les Israéliens qui souhaitent la paix avec les Palestiniens.

Tweet de @skyzelimit trader à Londres.
Il aime (toujours anonymement) menacer de coller son poing et de mettre des raclées à ses détracteurs.
Il n’aime pas l’idée des congés payés, et estime qu’en France l’investissement immobilier ne peut en aucun cas être destiné à la location. Secondé avec beaucoup de zèle et de hargne par sa compagne, à la rhétorique un peu frustre. Notre ami Jabial affirme préférer le lynchage à l’impunité.
Nous avons fait ce travail en réaction aux abjections lues sous la plume de ces types sur Twitter. Cette bande –ils sont une petite centaine- a commencé à sortir l’artillerie lourde et les injures. Puis les menaces, forcément.
Nous n’allons pas toutes les reproduire ici. Elles concernent nos familles et particulièrement nos enfants. A la suite de notre publication du lundi 30 mai 2016, quelques-uns ont effacés leurs comptes (Comme le Vice Président Financier du groupe Danone – Eaux, Francois Xavier Lacroix, Alias feu @LacruzFX) et leurs messages. D’autres, moins sensibles à la publicité et au risque des poursuites, continuent d’alimenter les réseaux.
C’est le cas d’Ali Bodaghi alias @zebodag qui a confirmé son identité lui-même. Il donne dans le trading (ex Lehman Brothers, Société générale) et est passé par la case HEC Paris, encore un. Il est le moins apte à sentir quand vient de temps de se faire discret. La violence de ses propos semble lui échapper totalement. Il scanne et publie son don au Restau de Cœur. Les pauvres, voyez-vous, il a donné. Il a le droit à présent de les dégommer, de les insulter et de les humilier. Toujours dans le pragmatisme comptable, il n’oublie pas de demander à ses amis s’ils n’auraient pas une calculatrice. Sur 15 000 euros, 77% donneront droit au crédit d’impôt.
Ces Golden Twittos sont des number one de la veulerie. Ils passent leur temps à imaginer des dîners de con avec des types qui leur font de l’ombre… Mais c’est vraiment chacun d’eux qu’il faudrait inviter.. “Un Festin de con” rien que pour eux. Ils sont tellement incroyables… .
Ils chassent en bande, ont une hiérarchie très particulière, mais aisément décryptable. Ça marche comme au Bar Tabac. Les plus vulgaires emportent la mise. Les modérés s’écrasent. Les minables continuent d’aboyer. Les starlettes likent. Bienvenue dans le monde feutré de ces élites-là.

La résistance contre les nazis de gauche s’organise.

On est en droit de s’interroger sur cette hargne grandissante manifestée sur Twitter. Entre autres et depuis quelques jours, contre nous. Une liste de comptes et deux hashtags de soutien au trader démasqué viennent d’apparaître sur Twitter (#Zelist et #Zesoutien).

Tweet d’un fils de bonne famille à Bernard Pivot. Le 20 mai 2016
“Ils en ont marre”, figurez-vous ! “marre, marre, marre !, lance un pseudo au masque d’indien. “On va se les faire !”, martèle un autre pseudo avec des oreilles de Mickey. Ils tapent des poings et disent STOP à nos manières de “harceleurs Gauchistes” , avant de balancer nos photos et commenter nos vie en nous traitant de… Nazis.
Dans la panique, ils se rappellent soudain au bon souvenir de la démocratie. La sainte démocratie. Les notions de liberté d’expression réapparaissent alors comme par enchantement dans leurs discours. Nous serions une atteinte intolérable à leur liberté d’expression.
Ils se sentent soudainement outrés et scandalisés par la mise au net des propos nauséabonds qu’ils adressent aux utilisateurs qui ne pensent pas comme eux.

Trader, Banquier, Gestionnaire de Fortune… un job pas si cool, au final?

Nous les avons observés, lus. Plusieurs points communs apparaissent. Ces twitos sont fortunés mais ont tous un chef ou une hiérarchie.
Ils travaillent pour toucher leur exorbitant salaire, ils doivent se taper des conseils d’administration, faire des réunions, produire des analyses… Et ils ont au dessus d’eux des actionnaires. Cette caste à part. Ces rentiers qui perçoivent des dividendes sans se bouger. Nos Golden Twittos rêvent de ce niveau où le travail est délégué et le profit encore plus élevé. Mais, comme pour les militants FN qui pensent que c’est à cause des immigrés que leur retraite est mince et leur ascension ralentie, les Golden Twittos ne remettent jamais en cause l’étage du dessus.
Ils le jalousent seulement. Le remettre en cause voudrait dire qu’ils n’aspirent plus. Ils regardent donc dans l’autre direction : Ceux qui limitent leurs parts de bénéfices. Ceux qui «pompent » leurs impôts pour avoir des emplois jeunes, des retraites, des hôpitaux, des universités gratuites, de la culture : les « pauvres », les smicards, les chômeurs, les intermittents, les immigrés, les sans-papiers… qui sont ces misérables crapules qui font obstacle à leur ascension ? Finalement, les Golden Twittos sont juste les Bidochon de l’étage au-dessus. Et encore, c’est un peu dur pour les Bidochon (toutes nos excuses Mister Binet). Ces corbeaux du net ne se contentent pas d’avoir des potes qui trustent les media, ils vampirisent tout espace de discussion.
Sur les réseaux, forts de leur statut, ils distillent un sentiment constant : Nous sommes tous des assistés et les syndicats sont la cause de leur exil fiscal. Ils sont assez efficaces car ils finissent par paralyser les forums de discussion, en pompant une part de leur énergie : tout opposant clairement identifié, qu’il soit journaliste à la RTBF, à Libé, à Télérama, aux Inrocks ou militant… est la cible permanente de leurs attaques. En cela, les saillies de Gordon Gekko, qui s’est renommé ZE Kamarade Gordon, (ZE en signe de soutien au trader londonien zebodag) sont symptomatiques du malaise : difficile de résister à l’envie de le baffer virtuellement.
Tous, dans ce réseau qui fait des émules, avaient le sentiment que leur pseudo les mettrait à l’abri de toute attaque et de toute contestation. Jusqu’au moment où les masques tombent. Là nos twittos poussent des cris d’orfraie . Ils hurlent au scandale, à la mise en danger d’autrui. C’est l’histoire du pyromane incendiaire.
Nos Goldens Twittos sont millionnaires et éduqués. Ils ont tout ce qu’un être humain désire. Pourtant, ils se plaignent. Ils menacent. Ils polémiquent. Insultent.

Leur pire ennemi, c’est eux-même… et l’information.

Au dessus d’eux, il y a le ciel et au delà des cieux, quoiqu’ils en pensent, il a le Saint actionnariat qu’ils doivent nourrir, inlassablement, comme un prolo nourrit sa banque pour honorer ses traites. Ils sont les petites mains manucurées du capitalisme new look, les ratés de la Noblesse. La caste du dessus ne les acceptera jamais vraiment. Ou alors un pour cent. Alors ils se vengent. Twittent que les profs sont des “bâtards”. Les femmes “des putes”. Les cheminots, des “mecs à buter”.
Nos corbeaux du net semblent vivre dans un sentiment de frustration permanent. Ils déversent leur acrimonie sur ceux qui les ralentissent. Ils n’ont pas de discours construit. Ces gars-là et leur réseau d’amis n’ont pas supporté qu’on les démasque. Ils se déchaînent depuis. C’était un de leur privilège, cet anonymat, on les en a privé.
Je n’en veux pas particulièrement aux riches. Ce qui me dépasse ici, c’est la haine, l’arrogance et le mépris de ceux qui ont tout et qui se cachent pour mieux humilier et insulter ceux qui ont peu ou rien. Dans les critiques qui nous sont faîtes depuis le message Facebook de lundi dernier, l’une d’elle revient en boucle. Nous serions des collabos, des dénonciateurs, des délateurs. « Heureusement que DR n’était pas là en 40, sinon il aurait dénoncé les Juifs » ai-je lu.
Je n’ai pas une seconde le sentiment d’être un délateur. Au contraire. Puisqu’avec eux les point Godwin s’accumulent, filons et poursuivons la métaphore… Tous ces corbeaux du net sont des bouffeurs de gauchistes. Beaucoup tiennent des propos racistes et homophobes. Certains cumulent et souhaitent carrément un retour à une dictature nationale socialiste.
Et je me dis qu’il vaut toujours mieux combattre et dénoncer les nazis avant qu’après.
Denis Robert, avec Myriam Tonelotto @LaVoieduChat, Yves Lespagnard et quelques autres. Et l’assistance technique des Intermittents 2.0 (Page Facebook)

One Reply to “”

  1. Dans le passé d’aucuns se sont fait dessouder pour moins que ça. Mon grand-père me racontait comment s’est fait un tel nettoyage. Le bordel lié au débarquement et à la libération a permis de solder des comptes en 1944… De tels inconscients semblent l’avoir oublié. Mon regret : ce sont les seconds couteaux qui seront branchés et pas les grands capitaines qui, eux, sont plus prudents.

    J’aime

Laisser un commentaire