L’Ukraine, le FMI et l’ukrainien moyen


Beaucoup de conneries manichéennes ont été dites sur la crise politique en Ukraine.  Suffit d’allumer la télé ou d’ouvrir le Monde pour s’en prendre plein la gueule. Beaucoup d’analyses plus fines, moins sectaires et plus objectives, ont également été exprimées. Fallait bien les chercher, en même temps 😉 . Tiens, comme ce dernier petit billet de Jacques Sapir qui, bien que jamais invité sur les plateaux de désinformation nationale (ou alors peut-être très exceptionnellement chez Frédéric Taddeï, à un horaire fort peu bourgeois, à l’heure où les lieux de débauche nocturnes ouvrent leurs portes insonorisées), n’en est pas moins un « expert » (à utiliser avec précaution, je sais) de l’économie européenne en général et de la Russie en particulier. Car Jacques Sapir n’est pas un membre du sérail de la pensée officielle. C’est un un hétérodoxe, un compliqué, un qui dit pas comme les autres, un qui nous emmerde quoi !

Jack RasmusL’article dont je souhaite vous entretenir aujourd’hui aborde les aspects purement économiques de la crise. En détails. Très fouillé, très complet, très long et très … en anglais (‘fin, en yankee plus exactement). Normal puisque son auteur, Jack Rasmus, est prof. d’économie dans deux universités étasunienne : le St. Mary’s College et l’université Santa Clara. Encore un hétérodoxe. Un syndicaliste. Très engagé. Si, si, voyez, y’a encore des êtres humains dans l’État Voyou. La preuve.

Ce considérable billet, intitulé « Qui tire profit de la crise économique en Ukraine ? » et sous-titré « (Indication: pas l’Ukrainien moyen) » traite des conséquences économiques du « coup d’état [en Ukraine] » et des événements qui s’en sont suivis (par exemple en Crimée), ainsi que des scénarios possibles pour le futur.

Je ne vais pas tout vous traduire, les amis. Je voudrais profiter un peu de mon dimanche aussi 😉 . Juste un petit résumé des chapitres 1 et 7 qui présentent les conséquences probables sur la population Ukrainienne de « l’accord d’aide » 😀 du FMI en cours de négociation par le gouvernement de Yatsenyuk. Yatsenyuk, vous savez le nouveau premier ministre de pays (nommé par les nazis de Maïdan ajouteraient ironiquement certains).

Sachez cependant, pour ceux que cela intéresse (les aussi malades que moi) et qui ne sont pas rebutés par la langue anglaise (avec moult verbiage économique), que l’article analyse également longuement :

2. Les pertes Russes dans la Crise
3. Comment les USA tire profit de la Crise
4. L’économie Européenne : à la fois des gains et des pertes
5. Ce que les multinationales US-EU veulent en Ukraine
6. Les connections entre potes capitalistes d’Ukraine et des USA

Bon, on y va.

Le FMI a donc débarqué le 4 mars (comme je vous le disais ici) à Kiev, avide de sang frais, calculette à la main, et sourire en coin. Les « négociations » devaient aboutir le 21 mars. Finalement, aux dernières nouvelles, le FMI prévoit de conclure l’affaire le 25. De toute manière, il n’y a que très peu de suspens puisque le papandréousque Yatsenyuk, fidèle disciple du TINA international, a d’ores et déjà déclaré que son gouvernement n’aurait pas d’autre choix que d’accepter les conditions avancées par le FMI pour recevoir des prêts.

On ne connait donc pas encore les détails (puisqu’on attend le 25, faudrait suivre un peu). Mais on connait le FMI et … ses méthodes, qui un jour relèveront du Tribunal Pénal International pour crimes contre l’humanité. En échange de 15 milliards de dollars « d’aide » 😀 le FMI imposera sa sempiternelle médecine. Plan d’Ajustement Structurel, Conditionalités ou Memorandum, quel que soit son nom, le deal ressemblera beaucoup, n’en doutons pas, à un plan de réduction de la population par le bas (arrêt des soins, baisse de l’espérance de vie, précarité, misère, suicide, exode, tout est bon à prendre). Plus précisément, en se basant sur les conditions des précédents prêts du FMI à l’Ukraine ($16,6 milliards en 2005 et encore $15,1 milliards en 2010) ainsi que sur les termes de l’accord qui a finalement été rejeté par Yanukovich en Décembre 2013 dernier (et qui a mis le feu aux poudres des nervis masochistes de Maïdan), voilà à quoi, d’après l’auteur, on doit s’attendre (attention, vous allez être surpris, y’a du nouveau) :

  • réductions des pensions de retraite
  • réductions des dépenses publiques
  • réductions dans les programmes de dépenses sociales (ce sont les profiteurs assistés de Maïdan qui vont être contents!)
  • coupes immédiates dans l’emploi public
  • nouvelles privatisations d’actifs de l’État (qui tomberont du coup entre les mains de multinationales occidentales plutôt que dans l’escarcelle d’oligarques russes ou ukrainiens, et c’est à ça qu’on reconnait la vraie démocratie)
  • et … arrêt (progressif ou pas, faut voir l’humeur de Mame Lagarde) du subventionnement par l’état du prix du gaz aux ménages ukrainiens. Voyez qu’ils savent se renouveler au FMI !

Tout ça contre … un prêt de 15 milliards de $ (13 du FMI et 2 de la Banque Européenne d’Investissements). Yatsenyuk, lui, aurait plutôt préféré 35 milliards. Et l’auteur de l’article, étant donnée la prévision de récession de 5%-15% attendue en Ukraine pour les 2 prochaines années, croit de son côté que c’est plutôt $50 milliards dont l’Ukraine a besoin pour sauver son économie.

Car, même si on imagine, soyons fous, que la chauve-souris connait le code et que les 15 milliards du FMI iront réellement dans le circuit économique de l’Ukraine 😀 , cette somme sera intégralement et immédiatement engloutie par :

  • la baisse immédiate de la consommation qui sera induite par les mesures d’austérité imposée par le FMI et l’UE à l’Ukraine (le cercle mortifère que tout le monde connait bien : austérité => baisse globale de pouvoir d’achat => baisse de la consommation => baisse des rentrées fiscales pour l’État => augmentation du déficit et donc de l’endettement public)
  • la charge des remboursements des prêts (principal et intérêts) au FMI et aux banques occidentales (particulièrement en Autriche et en Italie qui sont sérieusement exposées) des précédents prêts
  • le financement de la balance commerciale déficitaire (de $20 milliards par an) du pays
  • le soutien de la devise Ukrainienne par la Banque Centrale sur les marchés spéculatifs pour tenter de ralentir sa chute depuis plusieurs mois

Et comme le dit Jack Rasmus

« Ajoutez à cela l’augmentation inévitable de l’inflation (liée à l’augmentation du prix du gaz pour les particuliers) et la tout aussi inévitable augmentation du chômage (liée aux coupes budgétaires), et il n’est pas sorcier de prédire que ce nouvel accord made-in-FMI n’aura pas plus d’impact positif sur l’économie Ukrainienne que n’en ont eu ceux de 2010 et 2005.« 

En revanche, ce que cet accord permettra c’est, comme d’habitude, que l’argent prêté par l’Occident à l’Ukraine, après un passage éclair de quelques minutes entre les doigts du gouvernement Ukrainien, reparte immédiatement dans les poches des prêteurs argentés occidentaux, à savoir :

  • dans les poches des banques occidentales sous la forme de remboursement de principal et d’intérêts,
  • dans les poches des spéculateurs occidentaux (du Forex par exemple) sur la vente de devises Ukrainiennes à … la Banque Central Ukrainienne à un prix subventionné
  • dans les poches des sociétés occidentales qui délocaliseront dans ce nouveau Bangladesh à 10 heures de camion de l’Union Européenne

Et puisque les accords gagnant-gagnant n’ont cours qu’au pays des bisounours (et chez les sociaux-libéraux aussi, c’est vrai, mais n’est-ce pas la même chose ?), qui seront les perdants d’après vous ?

Quelques indications pour ceux qui n’auraient pas lu attentivement le titre de ce billet. Qui va voir son pouvoir d’achat diminuer ? Qui va éprouver de plus grandes difficultés pour se chauffer ? Qui va voir ses pensions de retraités réduites ? Qui va perdre son travail ? Qui va devoir se payer dans le privé, pour ceux qui le pourront, les services publics supprimés ?

Les oligarques ? Yanoukovitch ? Yatsenyuk ? Poutine ? Obama ? Merkel ? Barroso ? Hollande ? Lagarde ? La baronne Catherine Margaret Ashton of Upholland ?

Hum, pas persuadé …


Un peu la même chose, mais pour ceux qui préfère le yankee parlé au yankee écrit :

2 Replies to “L’Ukraine, le FMI et l’ukrainien moyen”

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