Ze cost of ze capital for ze nuls (part two)


La semaine dernière, je vous entretenais, petits veinards que vous êtes, du coût du capital en listant le montant des dividendes qu’ont versé en 2012 les 47 plus grosses entreprises françaises cotées au CAC 40.  C’est dans ce billet que vous apprîtes donc que, par exemple et entre autres indécences modernes,

  • Chacun des 97 126 employés du groupe pétrolier TOTAL avait rapporté en 2012 plus de 54.000 € de dividendes à leurs actionnaires et maitres
  • ou que chacun des employés de SANOFI avait produit un (sur-)travail de plus de 31.000 € reversé à leurs actionnaires et maitres
  • ou plus de 21.000 € pour ceux de ORANGE et plus de 13.000 € pour ceux de Bernard Arnaud

Même s’il est vrai que dans la course rétrograde au capitalisme débridé mondialisé l’Europe et la France sont loin de faire pâle figue, à tout saigneur, tout honneur, vous m’accorderez qu’il ne pouvait être question d’aborder un tel sujet, le coût du capital vous rendez-vous compte!, sans piper mot de notre maitre historique à tous en ce domaine, considéré encore aujourd’hui par beaucoup d’apôtres du Dogme (qu’ils soient de l’Ordre des Médiacrates comme Nicolas Doze ou Christophe Barbier, ou bien encore de l’Ordre des Politocrates comme Nicolas Sarkozy ou François Hollande) comme l’Exemple, l’Idéal, le Rêve, le Saint Graal au bout de la quête, j’ai nommé le régime étasunien des USA.

Afin de (tenter de) me faire pardonner ce crime de lèse-majesté, voici donc un classement US des 10 patrons US les plus avides, un Top 10 comme ils disent, publié sur un site dissident US (inequality.org) dans un article US intitulé « America’s Greediest: The 2013 Top Ten » (oh putain, 4 fois le mot US dans la même phrase, si j’ai pas la NSA au cul après ça, c’est que Snowden y’raconte que des bullshits).  Évidemment, c’est en yankee in ze text.  Attention donc, aux âmes sensibles.

N’étant pas étasunien, ni téléspectateur des émissions de téléréalité dans lesquelles il est hilarant d’éliminer un par un en cliquant prestement sur quelque touche de son iPHone 72Sgti des jeunes se dandinant, sautant, criant et massacrant Brel le regard embrumé tourné vers une brochette de jurés pénétrés de leur quête d’un sens apte à combler leur vie insipide, je n’éprouve aucun penchant particulier pour le suspens des décomptes à rebours.  Je suis donc allé directement au numéro 1, le number one, sans autre drum roll (roulement de tambour, non, mais sans dec’, vous croyez vraiment que je vais tout vous traduire comme ça!).  Et quelle ne fut pas ma surprise de ne pas y trouver … Lloyd Blankfein, le CEO (Chief Executive Officer, celle-là je vous l’avais déjà donnée, il me semble) de Goldman Sachs dont je vous ai si souvent parlé.

Number 4

Number 4

Il n’est même pas dans le trio de tête cette année.  Quelle déception !  Moi qui fondais tellement d’espoir dans sa légendaire avidité !  Le voilà bêtement à la 4ème place, la plus mauvaise comme on dit quand on aime les compétitions, au pied du podium.  Bon, soyons tout de même rassuré puisque le journal US (de riches US) Forbes a calculé ses revenus pour les 5 dernières années autour des 160 millions $.  En outre, Blankfein détient aujourd’hui dans son portfolio personnel plus d’un quart de milliard de dollars (soit 250 millions pour ceux qui sont fâchés avec les divisions) en actions Goldman.  Pas mal.

Et pourtant, rappelez-vous, il y a 5 ans, Goldman Sachs chancelait, proche du désastre comme toutes les autres grandes banques US, et était renfloué par … les impôts des contribuables étasuniens payés sur leur travail.  Un bien bel exemple de vampirisation exercée par le capital sur le travail.

Number One

Number 1
Number 1

Alors le number one, c’est qui, hein, qui c’est ?  Bon, allez, un petit drum roll quand même (je vais peut être me mettre à regarder la téléréalité finalement 😉 ) … tatata … et le grand gagant est Larry Ellison, le CEO (c’est bon, vous voyez ce que ça veut dire maintenant, oui?) depuis très longtemps de Oracle, vous savez les bases de données relationnelles, non?, vous voyez pas?, pas grave, on s’en fout.

Ce qui importe, dans le cadre de notre démonstration du jour, savoir que le coût du capital est le problème et non pas la solution, est que ce cher 😀 Ellison, qui possède pourtant déjà un quart d’Oracle, une fortune estimée à 38.6 milliards $, et qui s’était accordé en 2012 un revenu de … 96.2 millions $, jamais rassasié, a récidivé en s’octroyant pour 2013 la rondelette somme de … 76.9 millions $.  Respect !

Un petit calcul stupide comme je les affectionne.  76.9 millions, c’est l’équivalent de plus de 8 millions (8.544.444) d’heures de travail au salaire minimum US (le salaire minimum étant spécifique à chaque état, j’ai pris, généreux comme je le suis, une moyenne de 9$ de l’heure pour mes calculs), soit 47.470 mois de SMIC (j’ai pris 180 heures par mois pour les esclaves US, donc beaucoup plus que le standard français de 152 heures par mois) ou encore 3.650 années de SMIC (encore très généreux, j’ai accordé un 13ème mois aux travailleurs US dans mes calculs).

Ce parasite estime donc valoir (si l’on en croit la fable libérale selon laquelle chacun est rétribué à hauteur de son mérite) trois mille six cent cinquante travailleurs au salaire minimum.  Quelle arrogance.

Les autres parasites

Je vous laisse parcourir le reste de ce Top 10 des capitalistes les plus avides des USA.  Vous y découvrirez ainsi avec sidération

  • ce David Novak, le n°2 du classement, CEO de l’empire du fast-food Yum (Pizza Hut, Taco Bell, KFC), maitre de l’optimisation fiscale, qui a empoché 94 millions $ alors que ses employés ne se font tout simplement pas assez pour joindre les 2 bouts,
  • ou ce Tim Cook, le n°6, CEO d’Apple, qui s’est fait 143.8 million $ alors que (ou plutôt, grâce à des petites choses comme le fait que) Apple refuse de payer à ses 42000 vendeurs (retail workers) le temps qu’ils passent, chaque jour, à attendre d’être fouillés sur site (à la recherche de vols éventuels),
  • ou encore ce Michael Duke, CEO de Walmart, la chaine de super marchés lowcost, qui gagne 6898 $ / heure, 779 fois plus que les 8,86 $ de salaire moyen chez lui, et qui a dilapidé 7,6 milliards $ en rachat d’actions de sa compagnie (afin de maintenir leur cours), ce qui aurait permis, si cet argent avait été redirigé vers les salariés, d’augmenter tous les plus bas salaires de Walmart de 5,83 $ par heure,
  • et bien d’autres (ben, en fait, 5 autres).

Le calculateur du coût du capital

Et puisqu’on est proche de Noël, un petit cadeau.

J’ai déniché cet autre article dissident US qui étudie de façon très précise la question suivante:

Où en serions-nous si notre revenu avait grossi au même rythme que celui des 1% les plus riches?

Bien sûr, l’étude porte sur la population et les revenus étasuniens.  Mais les grandes tendances étant identiques de partout dans le monde capitaliste, les résultats sont, à mon avis, tout à fait extrapolables à nous autres Européens.  Le point de départ ?  Un constat: les 1% les plus riches ont vu leur revenu moyen augmenter de plus de 270% sur les 50 dernières années.  Pendant cette même période, le revenu moyen des 90% les moins riches augmentait seulement d’un anémique 22% (inflation-adjusted real dollars).

L’article propose un petit moteur de calcul qui déduit, à partir de votre montant de revenu actuel, ce qu’aurait pu été votre revenu s’il l’avait suivi la même pente que celle des 1% les plus riches.  Franchement, effet garanti.  Je ne m’attendais pas à un tel écart.

Par exemple, imaginons que vous gagniez aujourd’hui 2.000 $ net par mois sur 13 mois.  Cela nous donne 26.000 $ sur l’année.  Alors, combien croyez vous que vous gagneriez aujourd’hui si votre salaire avait augmenté au même rythme que celui des 1% pendant les 50 dernières années ?  Roll drum (encore) … 79.308 $ / an ou 6.100 $ par mois sur 13 mois !  En remplaçant simplement (bêtement ?) $ par €, cela nous met le SMIC aux alentours de … 4500 € bruts au lieu des 1400 € actuels ! Ah …

Oui mais voilà, c’est sans compter sur le coût du capital, le coût de tous ces parasites qu’il faut bien que les travailleurs engraissent grâce à leur sur-travail.  Pour finir, comme le billet précédent sur ce même thème, par une citation de Karl Marx, n’oublions jamais que:

« la condition du travailleur doit empirer à mesure que le capital s’accumule », Le Capital, Livre I, Chapitre XXV

Voilà, à moins d’événements extraordinaires, DSK qui revient, Sarkozy qui divorce ou Christophe Barbier qui s’intéresse à l’écosocialisme, enfin un truc bien énorme dans ce style, ce billet clôturera probablement l’année 2013.

Bonnes fêtes à tous, et surtout aux rouges au cœur 😉

5 Replies to “Ze cost of ze capital for ze nuls (part two)”

  1. @obermeyer
    « un de ces jours il va s’écrouler sous ses propres excès »
    Je ne suis même plus convaincu de ça malheureusement. Le grand capital semble toujours se démerder pour retomber sur ses pattes et retourner les situations en sa faveur.
    Enfin, bonnes fêtes à toi l’ami et au mois de janvier dans la rue !

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  2. Je viens de voir le dernier film de Costa Gavras , le capital. Quoiqu’on pense du film , la conclusion mérite réflexion. Gad el Maleh , patron de banque, parlant de ses plus gros actionnaires dit d’eux : pour eux c’est juste un jeu , et ils continueront de jouer jusqu’à l’explosion du système.
    Il n’est pas sûr que nous gagnions contre ce jeu dégueulasse et mortifère ; par contre ce qui est sûr c’est qu’un de ces jours il va s’écrouler sous ses propres excès. La question est : qui ramassera les morceaux ; le grand capital , comme d’habitude, ou nous , les partageux ?

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