Car je suis extrêmement perplexe (et passablement énervé, mais ça, c’est pas nouveau).
Cette semaine, vous le savez probablement, vous qui suivez de près ce que débite nonchalamment la petite boite à désinformation du salon (je crois me souvenir qu’ils en ont parlé entre 2 prières du pape des catholiques), l’Assemblée Nationale s’est exprimée sur une motion de censure déposée par la Droite Coppé-Umpiste. Pour ceux qui ne maitriseraient pas parfaitement les procédures formelles de notre 5ème République, rappelons que nous parlons ici de l’application de l’Article 49 Alinéa 2 de notre Constitution qui donne en effet la possibilité à l’Assemblée nationale de « mettre en cause la responsabilité du Gouvernement » (c’est à dire, la possibilité de demander à ce que le gouvernement soit défait, explosé, éparpillé aux 4 coins de hémicycle – hum, pas facile ça, je vous le concède – façon puzzle) par le vote d’une motion de censure qui « ne peut être adoptée qu’à la majorité des membres composant l’Assemblée ».
En bref, c’est un moyen qu’ont les députés de dire qu’ils sont pas contents (mais pas contents du tout!) du gouvernement. Bon, c’est un truc qui ne sert pas vraiment à grand chose puisque, par construction, le gouvernement est du même « bord » que la majorité des députés. Mais bon. Ce n’est pas une raison pour faire n’importe quoi, quand même, merde! Ce devrait être, pour chaque député, une confrontation entre des visions opposées de ce qu’il convient de faire selon sa conscience civique. Ce devrait donc être du sérieux. Nan?
Alors expliquez-moi ça:
- Tout d’abord, pourquoi la droite dépose-t-elle une motion de censure? En quoi les députés de droite sont-ils mécontents de la politique qui est menée par le gouvernement? Qu’ont-ils exactement à lui reprocher? Que n’auraient-ils pas fait eux-même s’ils avaient été aux affaires et que déferaient-ils s’ils y revenaient?
- Et conséquemment, pourquoi les députés Front de Gauche n’ont-ils pas voté cette motion de censure? Sont-ils donc si satisfaits de la politique menée par le gouvernement? Devons-nous en conclure qu’ils auraient fait la même chose s’ils avaient été aux commandes et qu’ils ne déferont rien quand 😉 ils y seront?
Sur ma deuxième interrogation, ok, soit, je veux bien reconnaitre que, quand on lit le texte de la motion déposé par M. Coppé, et particulièrement sa fin, on ne peut pas vraiment tenir rigueur aux députés Front de Gauche de ne pas s’être associés à cette véritable ode dogmatique aux mantras les plus débiles du néo-libéralisme financier dans toute son outrance:
« nous devons collectivement produire plus et produire mieux. C’est le travail des uns qui crée l’emploi des autres (sic). (…) La compétitivité au service de l’emploi, c’est la seule voie possible pour construire une France dynamique, qui attire les talents et les investissements. » et bla bla bla, et bla bla bla …
On y décèle également quelques perles de la vision ploutocratique du monde selon la droite, vision dans laquelle, la société ne compte plus aucun ouvrier, employé ou salarié:
Le pessimisme s’est ancré dans toutes les strates de la société : chez les ménages, les jeunes, les chefs d’entreprises, les travailleurs indépendants, les retraités, l’inquiétude domine.
Ok, ce texte est nocif, et il ne fallait pas le voter. Mais, pourquoi la droite a-t-elle déposé une motion de censure en premier lieu? Alors ça, vraiment, ça me dépasse.
Certes, Coppé égrène dans son document, parmi maints mensonges, omissions et caricatures, quelques menus mesurettes du gouvernement socialiste, mesurettes légèrement teintées d’effluves d’erzatz de gauchitude, que la Droite n’aurait probablement pas adoptées. Il cite ou fait allusion au retour partiel à la retraite à 60 ans (vraiment très très partiel, et qui va en outre certainement être remis en cause lors de la prochaine « réforme » des retraites en cours de concoction par Parisot et Sarkozy Bros, NDLR), à la suppression de la journée de carence dans la fonction publique (mais pas avant 2014, et encore si rien ne change, ce qui, connaissant les sosos est loin d’être assuré, NDLR), à la hausse du revenu de solidarité active (un putain de bon de 1.75% !, NDLR), de l’allocation de rentrée scolaire ou de l’aide médicale d’État et à la suppression de l’exonération des heures supplémentaires. Voilà, on a fait le tour. Le pauvre Coppé. Il ne peut même pas ajouter à cette liste rachitique la tranche d’impôt « confiscatoire » à 75% 😀 puisque cette mesure ne verra même probablement jamais le jour. Il doit vraiment racler les fonds de tiroir pour donner l’impression qu’il est farouchement opposé à ce qui se passe. Ferait presque peine à voir dis-donc.
Car sur le fond, sur les grandes mesures qui tracent la direction générale de la politique Hollande-Ayrault, qu’ont-ils vraiment à renier, nos p’tis députés de droite? Sur quels sujets sont-ils à ce point mécontents? Regardons un peu, voulez-vous.
- Sur l’adoption du traité Merkozy, le fameux TSCG, celui qui instaure la règle d’or si chère à Sarkozy, ont-ils quelque chose à redire? Ce serait étonnant, ils étaient si fiers à l’époque d’accorder la paternité de ce traité (sa maternité en revenant à Mme Merkel) à leur mentor poursuivi pour abus de faiblesse qu’ils ne peuvent décemment pas revenir dessus.
- Sur la mise en œuvre de ce traité dans le budget d’austérité, la droite aurait-elle fait mieux (c’est à dire pire en fait), aurait-elle fait plus austéritaire? Probablement pas, puisqu’Ayrault a fait des coupes budgétaires du double de celle opérées par Fillon en deux plans de rigueur.
- Sur la hausse de la TVA? Allons, allons, tout le monde se souvient de la TVA anti-sociale de Sarkozy. Un peu de sérieux, svp.
- Sur les cadeaux fiscaux faits aux grandes entreprises et la course effrénée (et stupide) à la compétitivité? Là, encore, Ayrault lave plus libéral que Fillon. Peuvent rien dire.
- Sur le projet de loi dit de « sécurisation de l’emploi » qui reprend quasiment à l’identique l’accord compétitivité-emploi de Sarkozy et qu’acclame le MEDEF? Certainement pas, puisqu’on sait déjà que les parlementaires UMP voteront comme un seul homme le texte de la Parisot.
- Sur la loi dite de « séparation et de régulation des activités bancaires »? Cette loi, qui ne touchera les grandes banques que d’une façon anecdotique, qui n’interdit ou n’encadre les activités spéculatives que de façon marginale et qui n’oblige absolument pas les banques à séparer leurs activités de dépôts de leurs activités d’investissement, cette loi, donc, est tellement favorable aux grandes banques que Philippe Marini, membre du groupe UMP au palais du Luxembourg, a félicité le président de la République lors de son examen : “On est très, très loin de l’idée ‘la finance est mon ennemie’”, a-t-il expliqué. “C’était une attitude de campagne et la réalité est tout autre. Je m’en réjouis.”
- Alors peut-être sur la politique vis à vis de l’immigration et des populations discriminées comme les Roms? Ben même là-dessus, ils ont rien à reprocher aux Socialistes. M. Guéant a même dit tout le bien qu’il pensait de la politique de Manuel Valls.
En fait, on le voit, on le sait, sur les sujets essentiels, la droite et le PS pensent les mêmes absurdités archaïques et font les mêmes « réformes » régressives et mortifères. Mais, puisqu’ils se doivent de nous jouer la Comédie de l’opposition, il faut s’agiter. Il faut trouver des « bricoles essentielles » sur lesquelles se déchirer. Il faut mettre en avant des clivages structurants même s’ils ne concernent en fait que des pacotilles esthétiques. Il faut donner l’illusion au citoyen désinformé d’une véritable alternative de choix. Il faut préserver le système pseudo-démocratique bipolaire qui maintient cette oligarchie sans scrupule au pouvoir depuis des décennies.
Je m’amuse ainsi de voir que la majeure partie des reproches que peut adresser Coppé à « son opposant » dans sa motion ne concerne pas vraiment les moyens mis en œuvre, c’est à dire les mesures elles-mêmes, mais principalement « les résultats de la politique économique et sociale de François Hollande et de son Gouvernement »:
- hausse du chômage
- croissance étouffée
- déficit public non maitrisé
- budget européen en baisse
Les mêmes causes produisant – souvent 😉 – les mêmes effets, je me plais à imaginer « les résultats de politique économique et sociale » qu’aurait obtenu la Droite en appliquant exactement les mêmes recettes que leurs frères socialistes? D’après vous?
Pour conclure, ajoutons que, sans surprise, la motion de censure a été rejetée puisqu’elle n’a recueilli que 228 voix. Notons que « l’opposition », de l’UMP à l’UDI, a fait le plein de ses voix. Le spectacle a été assuré, avec brio. Ou pas. On s’en fout. Le but est atteint. Le citoyen endormi a bien vu (ou cru voir, il ne sait plus, le pauvre bougre) une opposition. Et elle s’oppose, l’opposition. Et si elle s’oppose, c’est qu’elle n’est pas d’accord, l’opposition! Et si elle n’est pas d’accord, c’est qu’elle aurait fait différemment, autrement, autre chose. C’est logique, nan? Et voilà, le tour est joué. T’as compris, mon ami? Aux prochaines élections, l’opposition deviendra la majorité et la majorité actuelle passera dans l’opposition. Mais que ce soit Oxford ou Cambridge qui remporte la couse, c’est toujours l’oligarchie du grand capital qui gagne.
Tout ce carnaval finira mal.
Car malheureusement, à mon avis, cette tragi-comédie risque fort, par une nouvelle mystification facétieuse dont l’Histoire est friande, de profiter paradoxalement à l’autre, à celle qui attend tapie dans l’ombre médiatique, celle qui est contre, contre les immigrés, contre les étrangers, contre les arabes, contre les musulmans, contre les homosexuels, contre les syndicalistes, contre les travailleurs, contre les chômeurs, contre les « assistés », contre les rmistes, contre les partageux, contre les athées, contre les anti-cléricaux, contre les progressistes, contre la révolution, contre, contre … mais celle qui ramasse pourtant des mécontents à la pelle dans tous les recoins abandonnés de l’Europe libérale.
Fait chier.
Bien sûr, si on essaie malgré tout de mettre de l’humour dans l’expression de notre aigreur, mais c’est quand même un spectacle lamentable auquel s’adonnent et voudraient nous soumettre nos seigneurs
Allez, on lâche rien !
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@YVELINE
Ah, j’me disais aussi …
Nan, je plaisante, je ne connaissais pas Adalbéron et ses 3 ordres.
Merci Yveline.
Au fait, je suis totalement en phase avec votre agacement (voire plus) contre les syndicats « infoutus même de défiler ensemble le 1° mai ».
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Vérification faite, je rectifie : Adalbéron fut évêque de Laon de 977 à 1030 et il décrit 3 ORDRES ( pourquoi ai-je lapsussé classes ?)
Ref : G Duby « Les 3 ordres ou l’imaginaire du féodalisme »
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Ce n’est pas un carnaval,c’est de la survie : les partis n’ont pas de syndicats pour sauver leur emploi, il faut bien qu’ils s’y collent tout seul les pauvres! En plus, il faut saluer la belle solidarité puisque, contrairement aux syndicalistes, infoutus même de défiler ensemble le 1° mai,, eux se sauvent mutuellement en se passant les plats , se servant de caution pour s’assurer de péréniser un emploi pas prêt de se délocaliser celui-là …
Mais ce n’est pas nouveau; déjà Adalbéron décrivait une société où les 3 classes dépendaient étroitement les unes des autres : » les uns prient, les autres combattent et les autres enfin travaillent. Cette catégorie assure tout pour tout le monde….. Les trois catégories forment un ensemble indivisible et assurent les uns pour les autres la fonction qui permet à la société de vivre en harmonie…. » chercher l’erreur….
Adalbéron était évêque ( tiens! ) de Laon en 873 ( je ne suis plus sûre de la date, mais c’était avant l’an mil vérification possible chez Duby)
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