Les acronymiques jouets extraordinaires de la spéculation


Souviens-toi, Barbara, le 6 septembre dernier, la BCE annonçait la mise en place d’un programme de Rachat de titres de dettes souveraines sur le marché secondaire (l’OMT que ça s’appelle, pour Outright Monetary Transactions dans la langue du Dogme, encore un acronyme dont les financiers sont friands, probablement dans un but inavouable d’opacification) afin, disaient tous les analystes, journalistes et experts infaillibles, « d’atténuer la pression sur les pays les plus fragiles de la zone euro ». L’idée invoquée, c’était que les taux d’emprunt accordés à ces pays par les banques, taux prétendument basés sur le niveau de risque de défaut du pays, seraient ainsi contenus dans des bornes acceptables (à leurs yeux, car même 1 point de plus que le taux de la BCE me parait, à moi, inacceptable et assimilable à du vol pur et simple, mais bon, je ne suis qu’un infâme rouge qui saoule hérétique en même temps ;-)). Car dans leur prêchi-prêcha autojustificatif, on connait la rengaine, plus un risque est grand, plus tu paies, et inversement, lorsqu’il n’y a plus aucun risque, tu paies … toujours … mais moins, allèguent ces vautours.

Ça, bien sûr, c’est le merveilleux monde de Disney qu’on nous vend.

Je vous en parlais à la rentrée pour en dire … exactement l’inverse, à savoir que, selon moi, cette annonce allait renforcer la spéculation. Pourquoi ? Voici mon raisonnement d’alors. Grâce à ce programme, les institutions financières ont maintenant l’assurance que les obligations d’état trouveront dans tous les cas un acheteur, alors pourquoi ne continueraient-elles pas à étrangler les états avec des taux usuraires. Elles peuvent en effet continuer de se refinancer à un taux dérisoire auprès de la BCE et à prêter aux États à un taux nettement supérieur tout en ayant la garantie de pouvoir se débarrasser de leur junk bonds au cas où. Prenons le cas le pire. Après de longues années de remboursements d’intérêts assassins, le pays est exsangue et ne peut plus payer, pfff, qu’à cela ne tienne, on s’adresse à la BCE, et hop, on refourgue le tout, ni vu, ni connu, j’t’embrouille. Elle est pas belle la vie! Quand on est spéculateur sur les dettes souveraines, s’entend. Pour les autres … hum … c’est moins évident.

Déjà, tous les médias, sans en avoir l’air, ignoraient insidieusement l’R débutant le mot « rachat ».

Mais ce qui m’a également alarmé, c’est de voir l’euphorie que cette annonce a générée le mois dernier. Quand j’ai vu à quel point les « marchés financiers » se réjouissaient, ça m’a mis la puce à l’oreille.  » Le nouveau programme de rachat de dette de la BCE adoubé par les marchés « , titrait le Point.  » Le FMI salue le nouveau programme de rachat annoncé par la BCE « , surenchérissait BFM Business.

« Merde, ça sent le roussi », m’inquiétais-je alors immédiatement.

C’est bizarre, ça, hein ? Je réagis toujours exactement à l’inverse de tous les béats médiacrates bavant dans mon Sony Bravia de consumériste qui se flagelle. Et ma confiance est en raison géométrique inverse de la morosité des marchés. C’est simple,

Quand Barbier se félicite, je m’effraie
Quand Joffrin acclame, je m’affole
Quand Régnier applaudit, je m’inquiète
Quand Demorand soutient, je m’effarouche
Quand Denisot s’exclame, je panique
Quand Beitout se flatte, je suis terrifié
Quand Doze loue, je m’alarme
Quand Pernaut s’excite, je suis dévasté
Quand Duhamel approuve, je m’épouvante
Quand Thréard complimente, je suis soucieux
Quand Pujadas ovationne, je suis anxieux
Quand Lenglet glorifie, je me crispe
Quand Elkabach recommande, je me pétrifie
Quand Elkrief supporte, je me glace
Quand Mazerolle appuie, je suis fiévreux

Bref, j’ai donc voulu voir quels avaient été les effets de cette annonce sur les taux d’emprunts accordés aux états « fragiles » (ceux qui sont aujourd’hui et depuis plusieurs mois attaqués par les rapaces de la spéculation financière). Depuis cette annonce censée faire baisser drastiquement les taux, tentons donc de vérifier où en sont les obligations à 10 ans pour des pays comme l’Italie, le Portugal ou encore l’Espagne (je ne parle même plus de la Grèce à qui il est interdit d’emprunter sur les marchés puisque leur taux théorique à 10 ans est de l’ordre de 17%).

Pour l’Italie, depuis l’annonce de la BCE, depuis 1 mois donc, le taux est descendu d’environ 0.2 pt, de 5.1% à 4.9%:

Pour l’Espagne également, le taux est descendu d’environ 0.2 pt, de 5.9% à 5.7%:

Enfin, pour le Portugal, le taux est descendu un peu plus, d’environ 0.4 pt, de 8.4% à 8.0%:

Voilà. Entre 0.2 et 0.4 points de différence. C’est sûr que les spéculateurs sont rassurés !

On est loin du magnifique film humaniste que l’on nous a narré avec moult tremolo dans la voix et buée dans les yeux, « Bamby, Dumbo , Fitch, Moody et les autres ».

Car, comme encore une fois anticipé par les indécrottables conspirationnistes qui voient le mal partout, dont parait-il je fais partie, il semble évident d’après ces graphiques (dignes de François Lenglet, ne trouvez-vous pas?) que, loin de sortir les États de l’emprise de la finance, ce mécanisme, l’OMT, en préserve au contraire toute la domination criminelle.

Voilà donc encore un nouveau gadget pour spéculateur qui va venir s’entasser dans le coffre, pourtant déjà débordant, des acronymiques jouets extraordinaires de la spéculation, je pense aux CDO, CDS, LBO, NYSE, NASDAQ, FOREX, CAC, IBEX, FMI (ou IMF en spéculangue), OMC (ou WTO en spéculangue), BCE (ou ECB en spéculangue), FESF, MES, et autre TSCG.

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