Plantons le décors. Vous connaissez l’OCDE, je suppose. C’est l’ Organisation de Coopération et de Développement Économiques dont la mission officielle est de
« promouvoir les politiques qui amélioreront le bien-être économique et social partout dans le monde. »
En d’autres termes, ils sont chargés de promouvoir les politiques néolibérales partout dans le monde. C’est encore un autre club de pays riches (voyez la liste des pays membres que je donne en fin de billet). Mais plus discret que le G20. Plutôt style lobby, vous voyez ? En gros, l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) définit les règles du Dogme pour un être un bon élève du libéralisme (dont la principale règle est d’ailleurs « aucune règle ») et l’OCDE accueille en son sein les pays convertis devenus prosélytes pour qu’ils répandent la bonne parole. C’est donc un brave toutou fidèle de la sainte trinité libérale le Marché, La Dérèglementation, et la Privatisation, amen.
Et voilà-ti pas qu’en décembre 2011, il y a 2 mois donc, ce chantre du néolibéralisme a sorti un rapport de 450 pages intitulé « Toujours plus d’inégalité : Pourquoi les écarts de revenus se creusent ». Bien entendu, compte tenu du contenu ;-), le silence radio s’imposait. Aucun média n’en a parlé. En même temps, 450 pages, c’est un peu indigeste, faut les comprendre ces journaleux. Ah non, merde, l’OCDE a pensé à tout. Ils en ont fait une synthèse de 27 pages. Attends, plus fort, encore. L’OCDE estimant probablement, à juste titre, que 27 pages étaient toujours trop pour notre presse buzzifiée en a sorti un super résumé de 4 pages, intitulé … « le document pour les médias » :-D. Mais, ils n’ont toujours rien compris à l’OCDE. Il fallait arriver à en extraire 1 seule petite phrase choc, avec un bon mot sur un people hyper connu. Là oui, là d’accord, là on en fait tout de suite un buzz, sinon, circulez y’a rien à voir.
Heureusement, le bon vieux Monde Diplomatique veille à l’honneur de cette profession et a sorti un petit encart sur la sortie de ce rapport dans son édition de Mars 2012. Ce qui m’a permis de creuser un peu.
Ce que dit le rapport
Sur les constats, rien d’extraordinaire. Même les utlra-libéraux ne peuvent plus nier l’évidence. Depuis des décennies les inégalités entre les riches et les pauvres se creusent:
« Dans son rapport phare de 2008 intitulé « Croissance et inégalités », l’OCDE a montré que l’écart entre les riches et les pauvres s’était creusé dans la majorité de ses pays membres. Trois années plus tard, la nouvelle étude de l’OCDE intitulée « Toujours plus d’inégalité : pourquoi les écarts de revenus se creusent » révèle un nouvel élargissement de ce fossé dans la plupart des pays. »
Par exemple:
Note: le coefficient de Gini est la mesure standard de l’inégalité des revenus comprise entre 0 (tous ont le même revenu) et 1 (tout le revenu est capté par un seul individu). Au plus on se rapproche de 1, au plus il y a d’inégalités.
Ou bien encore:
Tout cela, malheureusement, on sait. Mais là où je suis resté sur le cul, c’est quand est abordé le chapitre des raisons de cet accroissement des inégalités. Je cite:
« les réformes des réglementations et les mutations institutionnelles (…) ont aussi contribué à accroître les inégalités salariales. Ces réformes ont été menées pour renforcer la concurrence sur les marchés de biens et de services, ainsi que la capacité d’adaptation des marchés du travail. (…) Mais la conséquence logique d’une telle évolution est un élargissement de la distribution des salaires. »
« le travail à temps partiel a pris de l’ampleur, les contrats de travail atypiques se sont développés et le périmètre des conventions collectives s’est rétréci dans de nombreux pays. Ces évolutions des conditions de travail ont elles aussi contribué à la hausse des inégalités de revenus du travail. »
Et cerise sur le gâteau:
« Enfin, dernier point mais non le moindre, les dispositifs de prélèvements et de prestations sont, depuis le milieu des années 90, devenus moins redistributifs dans maints pays. (…) Ce déclin de la capacité redistributive s’explique principalement du côté des prestations : baisse des transferts ; resserrement des critères d’octroi pour contenir les dépenses de protection sociale ; retard des transferts aux tranches de revenus les plus faibles par rapport à la croissance des revenus du travail. »
Bref, rien de très étonnant pour nous, gens de gauche puisque c’est exactement ce que nous ne cessons de condamner. Mais venant de l’OCDE, c’est proprement hallucinant. En même temps c’est vrai qu’il devient de plus en plus difficile de prétendre le contraire, de défendre l’indéfendable. Mais quand même, c’est du lourd. C’est un peu comme si la pape, évêque de Rome, garant de l’unité de l’Église catholique romaine, déclarait que Jésus Christ n’était pas le fils de Dieu.
Encore un cas de schizophrénie
À la lecture de ce rapport, je me suis dit: ça y est, encore un qui a réussi à ouvrir les yeux, à sortir de son envoutement, à voir la lumière. Prochaine étape, Angel Gurría, secrétaire général de l’OCDE, signataire de ce rapport, va appeler à voter Front de Gauche aux prochaines élections françaises, pour sûr.
Oui mais voilà. Ce monsieur, comme tous les adeptes de cette religion, ne peuvent que sombrer à plus ou moins long terme, à force de fractionnement de leur esprit d’avec le réel, dans la schizophrénie la plus affligeante. C’est normal. Il faut comprendre. Le fondement même de leur Dogme, la racine même de leur foi est sans cesse, quotidiennement, battu en brèche par les faits, par les chiffres. Alors, un jour on reconnait l’évidence et le lendemain, on n’y tient plus et … on se remet à psalmodier le préchiprécha réconfortant de ce en quoi on a toujours cru aveuglément. Pauvres gens, malades qu’ils sont.
Et donc, ce pauvre (au sens marseillais du terme ;-)) M. Gurría n’a pas pu échapper à son destin. En effet, durant ce même mois de décembre 2011, mois qui l’a vu foudroyé par un éclair de lucidité, voici M. Gurría qui retourne à ses antiennes Pavloviennes dans une interview à Libération consacrée à la sortie de ce rapport sur l’accroissement des inégalités. Je cite:
« Les difficultés d’accès au marché du travail et ses rigidités sont d’importants vecteurs d’inégalités. »
« accroître leur [vieux pays industrialisés, ndlr] productivité, seule manière d’augmenter les revenus. Ceux qui y sont parvenus ont pu préserver et développer leurs emplois, comme l’Allemagne »
« Elle [l’Allemagne, ndlr] le doit à la qualité de son appareil industriel, mais aussi à la flexibilité de son marché du travail. »
Vous vous rendez compte. À quelques jours d’intervalles, dire une chose, et son exact opposé. Dire que l’Allemagne est parmi les plus mauvais élèves en termes de creusement d’inégalité et en même temps la citer en exemple à suivre. Dire que la dérèglementation des marchés du travail est l’une des causes principales du creusement des inégalités et en même temps affirmer que les rigidités des marchés du travail sont causes d’inégalité. Le tout sans sourciller. Sans se rendre compte de l’aberration de ses propos. Un vrai schizophrène je vous dis. Proche du trouble dissociatif de l’identité, à mon avis.
Tenez le coup, la lumière reviendra.
Résistance !
Annexe: pays membres de l’OCDE aujourd’hui
- Allemagne
- Australie
- Autriche
- Belgique
- Canada
- Chili
- Corée
- Danemark
- Espagne
- Estonie
- États-Unis
- Finlande
- France
- Grèce
- Hongrie
- Irlande
- Islande
- Israël
- Italie
- Japon
- Luxembourg
- Mexique
- Norvège
- Nouvelle-Zélande
- Pays-Bas
- Pologne
- Portugal
@Simplyleft
Une contrainte de l’État signifie toujours une restriction de la liberté d’échanger avec autrui. Donc une destruction d’un échange qui aurait été possible. Donc une destruction légale de richesse par interdiction de la créer.
Toute régulation de l’Etat est une contrainte qui prétend réguler. Un libertarien vous dira que la régulation par l’État est impossible. Seul le marché peut réguler. La régulation étatique s’interpose dans un contrat entre un acheteur et un vendeur. L’Etat prétend vouloir favoriser l’un au dépend de l’autre. L’Etat ne peut que détruire de la richesse par ses lois ou par ses subventions.
Dans un rapport commercial, il n’existe aucune contrainte du vendeur sur l’acheteur ou de l’acheteur sur le vendeur. Il n’existe donc aucun rapport de « puissance ». Le seul puissant est l’État qui peut contraindre sous le menace des armes. Un commerçant ne peut pas contraindre son client. Il propose. Il n’existe pas de relation de puissance entre un vendeur et un acheteur.
Le concept de « contrat social » est une imposture. C’est une falsification du mot « contrat ». Le « contrat social » est un des fondement mensonger de l’État. Dans l’État tout est illusion, mensonge, et vol. L’impôt est du vol puisqu’il n’est pas accepté.
En effet, nous ne sommes pas d’accord. Cependant vous connaissez désormais le point de vue de l’école autrichienne d’économie, à laquelle adhèrent la plupart des libertariens. Depuis 100 ans, ces théories politiques et économiques sont intellectuellement robustes.
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Les libéraux ont hélas une mémoire de poisson rose.
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@gidmoz
pas du tout d’accord. je ne vois pas du tout où est la logique entre ces 2 phrases: « Une intervention de l’Etat est toujours une contrainte. » et « Donc, toute intervention de l’Etat interdit un échange, » Une contrainte n’est pas une interdiction. Pas nécessairement. Certaines contraintes le sont. D’autres régulent, encadrent, etc. Toujours dans le but de protéger le plus faible contre le puissant. Je ne vais pas refaire tout le discours des lumières. La loi républicaine est une somme de contraintes qui permettent d’envisager un contrat social, et par là, d’envisager une amélioration sociale. Je pense donc l’inverse de toi.
Mais je ne vais pas te convaincre, M. le libertarien, donc on va arrêter les frais.
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L’OCDE a pour but de « promouvoir les politiques qui amélioreront le bien-être économique et social partout dans le monde ». Le seul conseil valable à donner à un Etat est de réduire l’impôt et de réduire ses interventions.
Un libertarien, comme moi, pense que toute intervention, toute régulation de l’Etat, ne peut que détruire de la richesse. En aucun cas, l’Etat ne peut contribuer à produire des richesses. L’Etat ne peut que détruire.
La raison est abstraite mais très logique. Tout échange crée de la richesse pour le vendeur et crée de la richesse pour l’acheteur. Une intervention de l’Etat est toujours une contrainte. Donc, toute intervention de l’Etat interdit un échange, donc interdit une création de richesse.
L’économiste Ludwig Von Mises parlait du « destructionisme » pour qualifier les interventions de l’Etat. Les privatisations et la suppression des lois qui réduisent les libertés économiques sont donc les seules manières d’enrichir durablement une population.
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« Un vrai schizophrène je vous dis. Proche du trouble dissociatif de l’identité, à mon avis. »
Dis-moi, docteur Maboul, et nos parlementaires socialistes, de quoi souffrent-ils ? Ils nous disent « le changement c’est maintenant » et ils s’arrangent pour que la droite continue comme d’habitude…
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